L'ambiance sonore du commissariat berce doucement Lyvie, un café dans la main gauche, un dossier épais dans la droite et des cernes impressionnantes sous les yeux. Encore une nuit sans sommeil dans une ville sans paix. Le travail ne finissait jamais, et s'il en existait bel et bien une fin, la policière ne l'avait pour sa part jamais atteinte. Elle avait signé pour ça : un travail chronophage pour dévorer les pensées sombres. Pas le temps de vivre, pas le temps de réfléchir. Elle jure doucement lorsqu'elle se rend compte qu'elle s'est agrafée le doigt plutôt que les feuilles battantes visées. Alors qu'elle le porte à sa bouche, un toquement discret résonne dans le petit bureau -nouvelle acquisition de son grade durement gagné.  

─ Lieutenant, Madame Moore est arrivée, l'averti avec politesse sa subordonnée une fois que Lyvie lui ait donné l'autorisation d'entrée.

Cette dernière se lève rapidement, satisfaite d'avoir quelque chose d'autre à faire que vérifier les rapports de ses collègues. Même dans ses pires cauchemars, elle n'aurait pu suspecter le nombre de tâches administratives supplémentaires qui lui avait été attribuées en sautant un rang dans la hiérarchie. Quant à savoir si c'était là l'usage de tous les lieutenants de police ou si ses supérieurs ne lui avaient toujours pas pardonné ses mots durs sur leur méthode de travail... Rien n'était vraiment sûr.

D'un pas déterminé, Lyvie pénètre dans la salle principale, balayant de son œil sombre les lieux. On avait fait assoir la jeune femme un petit peu à l'écart. Elle s'approche d'elle, son expression s'adoucissant lorsqu'elle décrypte celle, angoissée, de son interlocutrice.

─ Je suis le lieutenant Warren. Nous nous sommes parlées au téléphone. Elle lui adresse un léger sourire qui se voulait rassurant. Je vous pris de me suivre.

Il aurait été bien cruel d'interroger une jeune femme aussi connue au milieu de temps de regards curieux. Si les policiers étaient doués pour donner une profonde impression de désintérêt, Lyvie n'était pas dupe : lorsqu'elle croise le regard de ses collègues d'un air sévère, quelques têtes se détournent avec empressement. Sur ces entrefaits, elle s'engage en direction de son bureau, s'assurant de temps à autre que la jeune présentatrice lui emboitait bien le pas.