Une journée morne de plus se dit Mathilde en se levant aux aurores. Elle traîne sa carcasse hors des draps blancs qu'elle aimerait ne jamais quitter. Mais ferait les enfants sans elle ? Oh Bulbie Tea tiendrait quelques jours sans elle, mais ce n'est qu'un pokémon aussi courageux soit-il. D'ailleurs elle l'entend la suivre dans l'escalier menant à la cuisine. Un thé, il lui faut un thé bien chaud pour réchauffer son corps glacé. Ce qu'elle aurait aimé un thé spécial, un thé magique pour retirer la glace ou est emprise son cœur.
L'eau dans la bouilloire est bientôt prête, Mathilde sort une grande tasse, son sachet de thé parfumé et patiente devant la fenêtre. Elle regarde l'extérieur et frotte ses bras, à quelques endroits le sol est déjà gelé et l'herbe blanchie. Mais ce n'est pas la nature qui attire son regard, mais une lueur de feu à droite de son champs de vision. Un petit pokémon et une jeune femme aux cheveux roses. Elle hausse un sourcil et se demande ce qu'elle peut bien faire là toute seule à cette heure-ci. Heureusement les enfants dorment encore. La belle de nuit tapote sur son bras en se demandant ce qu'elle pourrait bien faire. Mais elle est interrompue par le bruit de la bouilloire. Elle se détourne de la fenêtre et vient verser l'eau chaude dans sa tasse.
Sauf que la dame ne peut oublier ce qu'elle vient de voir. Après avoir jeté un nouveau coup d'œil dehors elle se décide à enfiler ses chaussures et un manteau. Elle sort tranquillement et referme la porte derrière elle, la tasse fumante à la main. Ce qui est sûr c'est que la demoiselle n'a pas l'air d'être dans sa plus grande forme. Mathilde secoue la tête et s'approche.

❝ Un peu de thé ? ❞

Oh elle ne posera pas de question la rose, elle sait reconnaître dans le fond des yeux la détresse d'autrui. Elle la voit tous les jours dans les siens lorsqu'elle daigne se regarder dans la glace. Alors elle fait ce qui est à sa portée. Et elle lui tend sa tasse.

Mathilde a tiré l'autre femme de ses rêves. Ou de ses cauchemars qui sait. C'est la tristesse qui coule hors de ses yeux qui la fait pencher vers cette idée. Après tout, chacun à ses propres démons à combattre jour après jour. Certains sont de vrais soldats, combattent farrouchement les pensées venues des ombres, tranchant de leur épée aiguisée les serpents envoyés par le malin. Mais que faire lorsque l'on a seulement la moitié d'une épée émoussée. On survit, on se déchire de l'intérieur en essayant de se faire submerger par une vague dévastatrice. Oh ces larmes au bord des yeux, voilà à quoi celà lui fait penser. Elle n'a pas perdu contre la vague mais elle menace de l'engloutir pas vrai ? Heureusement que le thé est une arme puissante contre l'amertume et la mélancolie.

❝ Quelques années. J'ai repris la bâtisse à l'abandon et j'ai sculté l'orphelinat dans le vieux bois. Même si parfois j'aimerais avoir le confort d'un endroit tout neuf. ❞

Elle aborde des banalités, se balance d'un pied sur l'autre en jetant un coup d'oeil vers la grande maison. Elle ne relâche jamais la pression la dame. Impossible de se détendre et de penser à autre chose pour ne pas penser au pire. Les enfants. Les enfants. Et pas le sien.

❝ Mais il est vrai que l'endroit apaise souvent les esprits. ❞

Elle se tourne de nouveau vers elle, un regard maternel et la elle caresse de ses pupilles alors que les femmes doivent certainement avoir le même âge. Mais c'est dans sa nature de prendre soin des autres avant elle-même. Et puis le jardin a quelque chose de calme sans les cris des enfants. Elles ne devraient pas tarder à entendre les joyeux éclats de voix des petits et des plus grands, mais pour le moment elles peuvent simplement profiter de la quiétude. Au printemps c'est encore plus beau, le jardin est toujours bien entretenu, quoique laissé un peu plus à l'abandon l'hiver. Mais Mathilde trouve encore un certain charme à l'endroit.

Les bras dans le dos, elle fait quelques pas en l'observant et revenant toujours à son point de départ. Ca l'aide à réfléchir et surtout à ne pas dévisager la jeune femme lorsqu'elle lui confie qu'elle est orpheline elle aussi. Elle aurait pu le garder pour elle, Mathilde l'aurait fait visiter même sans ça. Mais la grande femme est compréhensive, comprend les éclats dans les yeux de son interlocutrice qu'elle peut voir de temps à autres.

❝ Il n'y a vraiment aucun problème ... madame. ❞

Oh la rose ne regarde jamais vraiment la télévision, elle préfère passer son temps auprès des enfants. Ou seule dans sa chambre. Et puis elle n'a pas le temps de se présenter, la voilà qui reprend déjà la parole. Quant à Mathilde, elle ouvre la bouche, fronce les sourcils et referme ses lèvres. Elle est dubitative. Présentatrice à la télé ? Ca pourrait donner un gros coup de main à l'orphelinat même si de nombreux généreux donateurs l'aident à tourner correctement. Mais avec un peu plus de vue et de donations elle pourrait s'offrir les grands travaux qu'elle aimerait apporter à la maison ... Elle revient à la réalité et secoue sa tignasse, gênée d'avoir laissé échappé ses émotions si facilement.

❝ Je ... C'est très soudain. Un petit coup de pouce n'est jamais de refus, après il faudrait que je réfléchisse et ... ❞

Mathilde reprend sa respiration et tend la main à la jeune femme.

❝ Je suis Mathilde. Que diriez vous de m'accompagner pour visiter le temps que je pèse le pour et le contre ? ❞

Léger sourire, elle patiente, le buste penché vers elle. Elles pourraient commencer par la petite serre derrière la bâtisse, le temps que les enfants s'éveillent. Mais sous ses airs accueillant, elle a la peau qui tremble. Oh elle ne le paraît pas mais la voilà terrifiée à l'idée de la foule que ça pourrait apporter ici. Pourtant elle espère de tout son cœur, tous les jours, que les enfants puissent trouver une famille aimante. Et ça pourrait aider les enfants, même si c'est juste trouver un parrain ou une marraine. Mais voilà, les peurs de la belle de nuit ne sont jamais loin, tapies dans l'ombre.