La belle de nuit s'est laissée débordée par les enfants et les taches ménagères. Même Bulbie Tea n'est pas assez compétant pour réparer le temps passé à se lamenter. Les cris ont engendré la douleur entre ses deux yeux, une migraine ne fais qu'ajouter à son désarroi. Heureusement son sauveur toque à la porte. Elle a trouvé une échappatoire avant de devenir complètement folle. Alors elle laisse les petits aux bons soins de son pokémon et elle vient ouvrir la porte. Entendant une voix, elle s'apprête à découvrir plusieurs personnes. Mais non devant la porte se trouve seulement Fenrir. Est-ce qu'il lui arrive souvent de parler tout seul depuis sa chute ? Elle savait qu'elle aurait dû l'envoyer à l'hôpital.

❝ Oh bonjour Fenrir, tu souhaites entrer un moment ? ❞

La belle s'efface devant la porte en montrant l'intérieur. Il faut dire qu'elle sait se fondre dans l'environnement lorsqu'elle y est obligée. Elle devait être un caméléon dans une autre vie.

❝ Qu'est ce qui t'amène par ici aujourd'hui ? ❞

Sa voix sous entend qu'elle n'espère pas une nouvelle blessure. Cela ne la dérange pas de recueillir les âmes blessées comme la sienne, elle prend plaisir à aider les autres. Après tout Fenrir serait comme un gentil toutou qu'on garderait pendant quelques temps, c'est vrai qu'il est attachant. Mais elle n'aime pas vraiment son laisser aller lorsqu'il s'agit de ne pas se blesser.

La belle denuit attrape la fameuse boite, la tourne pour regarder ce qu'elle contient et le coin de ses lèvres tremble un peu. Fenrir ne le montre pas, ou peut-être est-ce un concours de circonstance mais il retient ce qu'elle aime. Et ça lui fait plaisir, au point qu'elle en aurait certainement sourit si son moral n'était pas au plus bas. Elle soupire un peu et tape son ongle plusieurs fois sur le couvercle de la boite et se tournant vers le jeune homme.

❝ Merci Fenrir, ça me fait plaisir, oui. Tu n'avais pas besoin de ça pour me remercier tu sais ? ❞

Parce qu'il est toujours le bienvenue ici à présent. Quand on ouvre son coeur à Mathilde, c'est pour la vie et il n'y a pas d'autre choix. Elle referme la porte et le suit à l'intérieur. Mathilde l'observe retirer ses chaussures et cette fois sa bouche s'arrondit doucement en un léger sourire, les yeux attendris. Dans un autre monde, Fenrir aurait très bien pu être son petit frère, oh qu'elle en aurait pris soin. Mais la vie a décidé de la laisser fille unique. Femme seule. Mère orpheline.

❝ Ton aide est toujours la bienvenue. ❞

Elle cache son désarroi en allant ranger la boite de chocolat dans un placard de la cuisine, à l'abri des regards curieux car elle compte bien la finir toute seule dans un moment de tristesse. Les chocolats ça donne toujours un peu de réconfort dans les moments difficiles. Surtout quand ce sont des cadeaux.

❝ Que dirais-tu de faire activité peinture avec les enfants ? J'ai installé une pièce spécialement pour ça et puis ils sont toujours contents de te voir. ❞

Elle ouvre une porte non loin et lui montre la pièce. Recouverte du sol au plafond de plastique, des toiles, du papiers dans tout les coins. Et bien entendu de la peinture un peu partout. Il faudra qu'ils se changent pour éviter de salir leurs affaires mais l'après midi promet d'être mémorable. Surtout, que ça pourrait laisser le temps à Mathilde de faire quelques machines ...

Mathilde le suit dans la pièce. Il n'est clairement pas dans son environnement et ça se voit. Pourtant elle ne sent chez lui aucune hésitation. Aucune peur de se retrouver en difficulté. Non, Fenrir affronte la pièce de son regard et commence déjà à réfléchir à des tactiques pour gagner contre l'adversité. Ah si seulement la belle de nuit était aussi courageuse que lui.

❝ J'irais les goûter avec plaisir Fenrir. ❞

Après avoir étendu la machine lancée il y a une heure. Et après avoir fait les lits des tout petits et ... Ou alors elle peut bien prendre cinq minutes pour aller ouvrir la boite.

❝ Tu es libre de faire ce que tu veux. La pièce est couverte de la tête aux pieds il n'y a aucun risque. La peinture est faite pour les enfants, veille juste qu'ils ne la boivent pas comme du petit lait, s'il te plait. ❞

Elle n'ajoute pas que lui non plus ne doit pas le faire mais espère que le message est clair. Enfin Fenrir n'est pas complètement idiot. Juste un peu simple ? Mathilde grince des dents quand il parle de la grandeur de son pokémon, il n'avait pas besoin d'ajouter de l'inquiétude dans le regard déjà bien rempli de la dame. Mais elle souffle et hoche la tête, un léger sourire aux lèvres. La dizaine d'enfants entrent dans la pièce, déjà bien agités. Un plus petit, tire le t-shirt de Fenrir et lui demande ce qu'il fait là. D'habitude c'est Mathilde ou une autre dame qui s'occupe des activités.

❝ Tu sais faire quoi toi ? Et ton pokémon il sait dessiner ? ❞

Il jette un coup d'œil au Torgamord et imagine déjà sous une tonne de peinture. De la peinture sur pokémon, ça pourrait être drôle, surtout pour un enfant de son âge. Il lâche Fenrir sans attendre de réponse et se dirige avec un pinceau et de la peinture vers la grosse tortue, décidé à changer ses couleurs.

Mathilde n'a rien loupé de la scène et s'éclipse discrètement, amusée. Elle a hâte de voir comment le grand combattant va s'en tirer avec ces monstres.

Même assise à la table de la cuisine, thé et chocolats devant elle, Mathilde entend les cris de joie et les rires lui parvenant de la salle attenante. On dirait que Fenrir s'en sort plutôt bien, ce qui rassure grandement la belle de nuit. Comme ça elle peut profiter de son thé chaud et comme promis, les chocolats sont exquis. Si elle s'écoutait, elle aurait fini la boite en une fois. Mais elle la ferme et la range avant de retomber dedans.

La dernière gorgée de thé bue, Mathilde se lève et jette un coup d'œil dans la salle. Les feuilles sont restées blanches contrairement à Fenrir et sa grosse tortue. Un léger rire s'échappe de ses lèvres en observant les deux compères.

❝ Si j'avais su que mes enfants étaient capable de créer de telles œuvres d'art ! Et si nous les mettions en vente les enfants ? Je suis sûre qu'on trouverait une tonne d'acheteurs. ❞

Elle prend appui sur le chambranle de la porte, l'épaule contre le bois et croise les bras sur sa poitrine. Les enfants rient aux éclats en imaginant le spectacle de Fenrir et son pokémon posant pour attirer le plus de monde possible. Mathilde sourit à son tour et tape enfin dans ses mains.

❝ Allez, maintenant que c'est fini, les vêtements au sale et tout le monde passera sous la douche à tour de rôle. ❞

Elle jette un coup d'œil à Fenrir et hoche la tête.

❝ Je pense que toi et ton pokémon, vous en avez aussi besoin. Prenez la salle de bain du deuxième étage, elle est réservée pour les invités. Tu voudras quelque chose à boire ensuite ? Boisson froide, boisson chaude ... ? ❞

Mathilde attends sa réponse puis part vers la cuisine. Elle sort un peu de pate à crêpe du frigo et en fait quelques unes pour le remercier et pour patienter, le temps qu'il redescende propre et sec.

La grande dame attend que Fenrir s'assoit devant la table et pose devant lui une assiette de crêpes ainsi que son chocolat chaud. Ensuite elle s'assoit face à lui, sa tasse de thé entre les mains pour réchauffer son corps froid. Elle lui propose de prendre une pâtisserie et de la remplir avec ce qu'il lui fait plaisir. Tout est sur la table, à sa portée. Math, quant à elle prend une crêpe qu'elle coupe entre ses doigts et vient les grignoter du bout des lèvres. Elle hoche doucement la tête et pose les yeux devant elle, sur la table lorsqu'il énonce une vérité bien trop dure. Oh comme elle aurait aimé qu'on vienne à la rescousse de ses parents. Qu'on soigne les petits bobos de son tout petit.

Mais comme son regard l'est devenu, Atlas est dure. Froide et impitoyable parfois.

❝ Elle est morte de l'intérieure. Ca pourrit et ça noircit quand on ne regarde pas. C'est juste invisible, un jour tout ça sortira de l'ombre et personne n'y pourra rien. Et surtout pas moi seule. J'ai beau tendre la main à qui le veut, il y aura toujours plus fort pour brûler les espoirs des autres. ❞

La belle de nuit s'est perdue au fin fond de ses pensées, ne détache pas le regard de la table, comme hypnotisée. Mais ce n'est pas le bois sombre qu'elle lorgne, ce sont des images qui défilent, des images qui la noircissent de l'intérieur, comme autant d'insectes rampants, cachés entre ses cellules. Mathilde elle est un peu comme cette ville. A la surface elle lute, elle se débat contre ce qui la ronge de l'intérieur. Jour après jour.

❝ Une autre crêpe ? ❞

Oh la voilà réveillée, le soleil après l'orage. Il fait fuir les nuages noirs. Pourtant la neige tombe drue, on peut le voir au fond de ses yeux.