En arrivant au bureau tes yeux se sont posés sur une sphère, un petit mot bloqué dessous à l’écriture que tu ne connaissais pas. Tu l’as attrapé, observé de longues secondes en prenant le temps de poser la sacoche de ton ordinateur portable sur ton fauteuil. Grunt à tes côtés tu prends quelques minutes pour défaire son harnais et le laisser se coucher dans son panier et attaquer ses jouets couinant en plastique.

Tu t’es surprise à étirer un petit sourire, entre la gêne et l’amusement.
Dans quoi tu t’étais fourrée.

Posant le bout de papier dans un coin du bureau aux côtés de la pokéball tu as commencé à sortir tes affaires, branchant ton ordinateur en l’allumant pout te connecter au réseau et jeter un coup d’œil rapide à tes mails. Rien de bien urgent qui pourrait attirer ton attention immédiate. Le téléphone pro déverrouillé, ton personnel dans la poche tu as fini par mettre en veille l’écran pour te redresser et siffler ton petit chiot.

« On va boire un café pour commencer la journée ? »

Saluant ton équipe arrivant doucement tu sors de votre section pour appeler l’ascenseur et descendre à l’étage juste en dessous, Grunt sur tes talons en traînant un de ses jouets dans la gueule. Sans réellement le contrôler tu as senti son cœur se serrer d’appréhension en t’élançant dans cette aile en laissant tes talons claquer contre le sol.

Observant l’intérieur des bureaux d’un œil un peu hésitant tu finis par t’arrêter devant une porte. Bombant le torse pour te donner du courage tu toques à la porte entrouverte, un léger sourire accompagnant ton signe de la main.

« Hey Nell. Je te dérange ? Tu veux peut-être que je te laisse t’installer ? »

En tout cas Grunt, lui, ne se gêne pas pour faire comme chez lui et rentrer dans le bureau, son jouet toujours dans la gueule.

Un peu à la bourre, ça reste dans tes habitudes d’arriver pile à l’heure. Tu es partie suite à un petit contretemps après la salle et ça t’a bouffé plus de minutes que prévu. Mais ce n’est pas grave, tu relativises, au moins tu n’as pas toute la ville à traverser pour pouvoir aller directement aux bureaux. D’ailleurs tu arrives comme si de rien n’était, la gueule un peu en vrac mais le long trajet d’ascenseur qui t’attend te laissera le temps d’au moins te recoiffer.

Dans un soupir tu attends d’arriver à ton étage, terminant rapidement le chignon avant de placer quelques mèches de cheveux devant ton cache-œil. Ça ne fait pas très joli d’avoir un œil en moins quand tout le monde est propre sur lui et que la seule cicatrice qu’ils ont sur leur corps c’est de s’être fait griffer par une feuille de papier.

Presque impeccable, tu ouvres finalement ton bureau pour poser tes affaires en vrac. C’est le bordel, tu es déjà à moitié un touriste et tu vois déjà quelques collègues qui viennent passer une tête le temps de te dire bonjour avant de repartir. Tu as l’habitude de voir un tel spectacle de Capumain mais aujourd’hui c’est spécial, l’énième personne qui vient te rendre visite est une toute nouvelle tête.

« Ah, Louise ! Non ne t’en fais pas, je peux m’installer un peu comme je veux. Rentre. »

Son putain de pokémon n’a pas hésité une seule seconde pour faire sa loi. C’est con parce que toi tu n’as pas de panier. Quand Fuse est là, c’est vraiment comme à la maison. Très ghetto. Et de toute façon tu ne le sors pas de peur qu’il ne mette le feu à toute ta pièce.

« Alors, bien réveillée ? Je te vois avec un café. Ça va trop t’exciter, tu vas courir partout. Relax. »

Glissant une main contre ta nuque pour la masser tu observes son bureau en bordel, le parfait opposé du tien où le moindre stylo était rangé à sa place, bien à l’abri d’une perte potentielle. Tu restes là, bête et maladroite avant de t’avancer pour espérer attraper ton chiot au passage et le récupérer dans tes bras avant qu’il ne fasse une bêtise. « Grunt viens ici ! » La voix paniquée tu tentes de le maîtriser en le gardant contre toi et lui gratouiller le cou.

« Tu es sûre ? Je peux repasser d’ici quelques minutes si tu veux. »

Tu ne voulais pas t’imposer et pourtant tu viens t’asseoir sur la chaise en face d’elle, Grunt sur les genoux le temps de le calmer et le reposer au sol en tenant son jouet. « Tu es calme, tu ne fais pas de bêtises ici d’accord mon grand ? » Tu prends même le temps de défaire son petit manteau, toujours accordé à ton sac à mains laissé dans ton bureau, pour le poser à côté de toi.

« J’ai besoin de mon café le matin, et d’une viennoiserie quand il y en a à la cafet. Parfois je viens même un peu plus tôt spécialement pour ça. »

Au moins Odyssey ne vous servait pas de la vieille nourriture moisie de cantine, ici vous pouviez profiter de repas frais, préparés convenablement par des personnes compétentes et toutes les viennoiseries du petit matin avaient tendance à te faire craquer. Ce n’était pas bien mais … c’était clairement ton petit plaisir coupable. Te redressant d’ailleurs vivement tu observes l’heure, une moue déterminée tirant tes traits en bombant même le torse.

« D’ailleurs on doit se presser sinon ils vont prendre les meilleures ! »

Et ça, il en est hors de question.

Tu secoues la tête pour lui dire que tu n’as pas de souci à ce qu’elle vienne sans que tu te sois installée. C’est comme ça quasiment tout le temps donc franchement ça ne te fait absolument rien. Tu te contentes simplement de soupirer en branchant l’ordinateur avant d’attraper un bloc-notes et de quoi écrire vite fait, bien fait.

« Je vois. Et puisque tu as juste ton café c’est qu’il n’y en avait plus ce matin ? C’est une bombe calorique en tout cas. »

Déjà bien en forme, tu joues avec ton stylo assez rapidement. Tu perds patience beaucoup trop facilement et comme ça, ça te permet de canaliser toute ton énergie autrement. Ça te faitu n peu de bien aussi, tu peux te détendre. Tu viens t’asseoir et tu lui indiques une chaise libre qui risque d’être vite prise par un collègue si elle ne prend pas sa place rapidement.

« Je vois que j’ai parlé trop vite. J’ai déjà pris mon petit dej moi, c’est plus que suffisant. Par contre ce midi ça va être plein de protéines. J’espère qu’il y aura du rab. »

Et comme d’habitude tu fais attention, tu n’as pas le droit à trop d’écart. Le corps cette saloperie fait payer chaque cheat meal comme si tu venais de t’enfiler trois mois de fast food bon marché. N’importe quoi.

« Normalement, je fais encore quelques séries de pompes là mais vu que tu es ici… Je vais me retenir. Tu as gardé ton abonnement à la salle au final ? J’espère que c’est un abonnement d’une chaîne qui tient beaucoup de salles. »

Il n’y a rien de mieux qu’une salle qu’on peut retrouver qu’importe où on se trouve. Et ouais. Même à Hadès.

« Alors, journée chargée en vue ? »

Une bombe calorique … Tu en rougirais presque. Tu sais bien que ce n’est pas bien mais si ça te faisait plaisir tu pouvais bien te permettre des écarts non ? Tu te mettais déjà assez de pression dans la vie pour t’empêcher quelques petits plaisirs comme ça. Mais en voyant que la femme n’était que peu intéressée à l’idée d’aller chercher des viennoiseries tu te rassoies en te contentant de serrer la tasse de café que tu gardes pour le travail. Tu allais devoir tenir jusqu’à midi, au moins cette fois tu pourras jeter ton dévolu sur un petit dessert en espérant une part de gâteau cette fois.

« J’aime bien, même si c’est une bombe calorique … »

Observant ton ventre puis les bras de la femme tu complexerais presque en posant une main dessus comme pour chasser ta gêne et porter ton attention sur la pièce. Faire des pompes au travail, elle possède clairement une motivation que tu n’as pas. Et pourtant tu sais que tu devras faire de même si tu veux espérer un jour arriver à un dixième de son niveau. Tu te pinces la lèvre en rentrant ta tête dans les épaules à l’entente de ton abonnement, comme une enfant se faisant gronder.

« Je euh oui je l’ai toujours. Tu sais tu peux faire tes pompes même si je suis là, ne te dérange pas pour moi je peux attendre que tu termines. Et oui c’est une chaîne, mais j’ai une salle pas loin donc j’irais toujours à la même je pense. Je-Je pensais y aller dès la semaine prochaine, mais je sais pas si on va à la même. »

Jouant avec une mèche de cheveux en l’enroulant autour d’un doigt tu surveilles Grunt du coin de l’œil pour qu’il ne fasse pas de bêtises.

« On prend une pause sur les gros dossiers. On prend des petits sponsors pour l’instant mais d’ici la fin de semaine je sens que je n’aurais pas une seconde pour moi. Les fêtes de fin d’année approchent alors niveau sponso et pub les gens n’arrêtent pas. Et vous, des bannières spéciales de prévues pour l’occasion ? Pour faire rêver petits et grands ? »

Bien vite tu remarques qu’elle se rassoit. Elle comptait aller prendre ces choses avec toi ? Oh, tu ne t’y attendais vraiment pas. Mais bon toi tu as déjà bien mangé, et tu n’as pas envie d’un caprice même si ton ventre te suppliait. « Oui, ça se voit que tu aimes bien. », dis-tu en lançant un petit regard discret sur son corps. Tu n’as vraiment aucun tact et comme tu n’as pas la langue dans ta poche, ça finit généralement comme ça. Elle va probablement être vexée et tu ne vas pas le remarquer tout de suite.

Finalement installée tu t’étires, tu allumes l’ordi et tu commences déjà à gribouiller deux-trois types au hasard qui pourraient bien aller ensemble. Puis il y a des lettres au hasard, tu réfléchiras après à quoi proposer. Quand elle retournera bosser tranquillement.

« Dès la semaine prochaine ?! Allons Louise, les bonnes habitudes ça se prend maintenant ! On se connaît tous, on profite de la nouvelle année pour prendre de bonnes résolutions et on lâche tout au bout d’une semaine. »

Tu la regardes comme pour l’accuser un peu. Tu es la première à tomber dans le cercle vicieux de la nouvelle année. Alors autant s’y prendre maintenant pour ne pas tout lâcher après parce qu’on a la flemme. Tu soupires un peu, ta feuille a plus l’air d’être un gribouillage d’enfant qu’un vrai truc professionnel. Mais jusqu’à maintenant ça n’a jamais posé de souci.

« On hésite à faire plaisir aux gens. Si on offre trop de trucs ils vont en demander plus. Je déteste ça. Si ça ne tenait qu’à moi, j’offrirais n’importe quoi à tout le monde ! Mais là on va attendre les résultats des arènes du mois dernier et on verra ce qui sort. C’est compliqué. Et les petits sponsors eux n’en demandent pas trop ? Vous devriez les gâter, ils font tout le travail ou presque. »

Ouvrant une bouteille d’eau, tu la finis presque tout de suite. Il faut le dire, parler ça donne soif. Et tu vois derrière la porte qu’il y a quelqu’un qui vous observe. C’est un collègue un peu blagueur mais lourd, il va vite comprendre que tu n’as pas envie de lui parler et repartir l’air de rien.

« Bon, tu veux aller chercher ton petit caprice ? »

Comment ça, ça se voit ? Lui faisant les gros yeux tu ne comprends pas où elle veut en venir en chouinant même un peu. Tu as pris un peu des hanches récemment mais quand même. Tu tires la moue, choquée qu’elle ait pu remarquer ces petites folies chez toi en te recroquevillant un peu plus sur toi-même pour t’effacer sur cette chaise. Tu as toujours l’impression de te faire engueuler alors que tu bois timidement une gorgée de ton café.

« Bah la semaine prochaine c’est dans pas très longtemps. »

Tu te cherches encore des excuses, comme d’habitude. Tu rouspètes un peu, gênée de t’avouer vaincue devant elle en tripotant un peu ta tasse pour t’occuper.

« Faudrait que je me rachète un ensemble de sport, les miens commencent un peu à s’user. Le plus dur c’est pas forcément d’y aller, c’est de trouver le bon rythme et surtout garder l’habitude. »

La routine tu as l’habitude mais la modifier c’est toujours compliqué. Observant sa feuille tu ne réponds pas de suite à ses remarques, plus intéressée par ses coups de crayons en étirant un petit sourire amusé par la situation. Tu la sentais à la fois agacée et intéressée par son travail.

« Les résultats vont bientôt tomber non ? J’espère qu’il y aura un pokémon que j’aime bien. » Tu ris même doucement, léger et cristallin. « On chouchoute nos petits sponsors, ils sont vraiment adorables pour la plupart et on garde toujours contact. »

Terminant ton café tu viens déposer ta tasse sur un coin libre de son bureau pour pouvoir t’installer un peu plus correctement sur la chaise, toujours aussi taquine.

« En tout cas le Papa Cadoizo est passé … plus tôt que prévu dans mon bureau j’ai l’impression. »

« Vois le sport comme un dossier très important : tu le fais traîner jusqu’au dernier moment où tu t’y prends tout de suite pour pouvoir bien dormir après ? C’est exactement pareil. »

Les bras maintenant croisés tu fronces aussi les sourcils. Tu n’aimes pas ce genre d’attitude, l’humain est si faillible et ce n’est pas simple de s’y mettre tu le sais. Mais tu soupires simplement, presque étonnée de l’entendre parler de sa tenue de sport.

« Elle est abîmée ? Donc ça veut dire que tu faisais du sport avant. Mais arrête de te trouver des excuses Louise. »

Rangeant finalement le petit bout de papier tu ouvres le logiciel de la firme, puis un autre de graphisme. Tu brancheras le deuxième écran après, pour le moment tu n’en as pas besoin, ce sera seulement quand les collègues viendront dans ton bureau.

« Oui, après vers les fêtes c’est toujours un peu spécial. On met plus de pokémons populaires. Au lieu de se baser sur le top 3 on se base plutôt vers le top 5 ou 6. »

Attrapant une bouteille d’eau supplémentaire tu te l’enfiles presque comme si ce n’était rien. Tu as vraiment beaucoup trop soif et tu le fais savoir rapidement. Tu caches aussi tes rougeurs comme ça, haussant les épaules sans trop savoir de quoi elle pouvait bien parler.

« Ah oui ? Alors qu’est-ce qu’il t’a apporté ? »

Nell avait complètement raison mais allais-tu lui accorder cette petite victoire ? Tu ne voulais pas t’avouer vaincue. Te triturant les doigts en te pinçant la lèvre tu cherches une nouvelle excuse pour te sauver mais … Non elle avait raison, plus tu allais continuer moins tu allais trouver le courage d’y aller. Alors tu soupires, un peu prise au dépourvu par ses sermons.

« Je m’en sers plus pour sortir Grunt et quand je fais le ménage. »

Et pour dormir aussi, en tout cas tout sauf pour aller à la salle. Observant le dehors depuis ton siège tu imagines déjà les enfants obtenir le pokémon de leur rêve pour Noël, les adultes se ruiner pour acquérir le top 1 de la dernière arène et espérer rouler sur les suivantes à leur tour.

« C’est bien, ça offre plus de diversité. »

A ta remaque tu la sens gêner, de quoi étirer un peu plus ton sourire amusé. Enfin tu sens les positions s’inverser. Comme lors de votre soirée improvisée à toi de tenir les rênes maintenant et mener la danse.

« Mmh oui, ce matin je suis arrivée dans mon bureau et j’ai vu une petite pokéball qui ne m’appartient pas dessus. Avec un petit mot qui me disait qu’il était pour moi. Un tout petit Sepiatop … Tu ne sais pas de qui ça pourrait être, Nell ? »

Autant tu pouvais encore douter de son destinataire il y a quelques minutes encore mais maintenant que tu avais vu la femme écrire tu n’avais plus aucun doute. Mais pourquoi faire ça ? C’est bien ce que tu comptais vérifier.

« Tu n’as pas une petite idée ? Même minime… Que je puisse mener mon enquête avec Grunt ? »

Tu soupires un peu, presque angoissée alors que tu te contentes même de froncer les sourcils et de croiser les bras. On dirait un petit enfant qu’on a grondé, et maintenant que tu n’as plus aucun pouvoir sur la conversation. Puis très vite, tes mains viennent se plonger dans tes cheveux, décoiffent ce petit chignon que tu mets parfois très longtemps à faire. Les mèches devant tes joues et tes yeux on ne peut donc pas voir à quel point tu es gênée, riant même un peu nerveusement.

« D’accord je vois. Mh je n’en ai aucune idée, quelqu’un qui veut bien se faire voir à ton étage ? Tu dois être très populaire. »

Haussant les épaules tu essayes de te reprendre et de faire passer ta gêne passagère pour un simple cinéma. Vite, tu ne veux plus rien laisser paraître, tu te tiens bien droite, le torse un peu bombé et finalement tu juges le petit pokémon canin comme pour lui dire de ne rien faire savoir et de rester calme. Tu ne veux pas qu’elle sache ce qu’il s’est passé.

« Ouais non, j’en sais rien. Peut-être que tu le trouveras ailleurs ? Demande à la cantine, fais un avis de recherche, je ne sais pas. Pourquoi tu tiens absolument à savoir ? C’est un cadeau anonyme, ça doit le rester… »

Tu croises les bras, portant une main sous ton menton pour faire mine de réfléchir. Personne de ton étage, tu n’es pas très populaire puisque tu rejettes toutes les avances de ceux qui ont déjà tenté leur chance. Pas intéressée que tu dis, pas le temps sinon de t’investir dans une relation. Un admirateur secret ? Tu penchais plutôt pour … une admiratrice mais tu ne voulais t’amuser avec la femme de longues minutes.

« Je pourrais poser un avis de recherche tu as raison. Je pourrais même mettre une récompense comme une sortie au restaurant. J’en connais de très bons mais très chers ça pourrait donner envie aux gens de chercher. »

Tu pouffes un peu de rire en observant Grunt qui ne cessait de passer son regard entre vous deux en remuant la queue, en quête de friandises de votre part.

« Quand même, qui voudrait bien m’offrir un pokémon en cadeau anonyme. J’aimerais bien savoir de qui il peut bien être, ne serait-ce que pour le remercier. Il y avait juste un petit mot, même pas de longue lettre d’amour pour m’inonder de compliments. »

Et tu tires la moue, presque déçue pour te donner un genre en continuant de porter ton attention sur ses travaux en te relevant même pour faire le tour du bureau en laissant tes doigts glisser lascivement contre.

« Tu me montres comment tu travailles ? Ou c’est secret défense ? »

Tu fais la désintéressée mais ce n’est pas pour rien que tu lui as offert un tel pokémon. C’était des heures à écouter des conversations de merde et beaucoup de chance pour pouvoir offrir un tel cadeau. Tu racles ta gorge pour éclaircir ta voix, tu la laisses parler et tu soupires. Tu ne dois pas être tentée, tu dois garder le secret (qui n’est plus trop un secret) jusqu’au bout.

« Un resto cher ? Mais… Pour quoi faire ? Je ne comprends vraiment pas. Pour le même prix je fais un repas pour deux régiments… Pour deux semaines ! »

Tu ne vas clairement pas récompenser Grunt, te contentant simplement de jeter un œil sur ton ordinateur puis sur les petites notes. Il y a d’autres idées qui te viennent en tête et tu te dépêches de les noter, sait-on jamais, il y en a bien une qui va finir par passer et être validée.

« Bah comme tu vois… Je travaille n’importe comment, comme un cochon. J’ai des statistiques sur mon écran et des idées plein la tête. Ce n’est pas simple de retenir les noms de tous les pokémons et des dresseurs tu sais ? Ah, et il faut aussi qu’on rajoute plein de pokémons qui n’ont jamais la cote. Des Rattata, par exemple. »

Pointant du bout du crayon tes idées de pokémons un peu merdiques que tout le monde va revendre parce qu’il ne vaut quand même pas abuser, c’est clairement pas ça qui fait vibrer les gens.

« Rappelle-moi ce que tu fais déjà ? »

Observant l’écran de son ordinateur, tu la regardes gribouiller des idées, en effacer certaines et recommencer de temps en temps en fonction des résultats des dernières arènes. Un travail de titan malgré ce qu’elle avait beau dire. « Tu es en train de dire que personne n’aime les Rattata ? Je suis sûre que certaines personnes adorent ces petits rongeurs. » Te penchant un peu plus au-dessus d'elle, tu tentes de lire les listes de pokémons considérés comme nuls par la majorité des gens. « Au fait on sait ce que deviennent les pokémons qui sont revendus à la chaîne ? Ils sont remis dans les usines d’Odyssey ? »

La question avait un arrière goût amer, comme si même toi tu savais qu’il ne fallait pas la poser.
Mieux vaut ne pas se mettre Odyssey à dos.

Te redressant en surveillant toujours le chiot qui refusait de vous lâcher jusqu’à se coucher aux pieds de la femme et commencer à mordiller le bas de son pantalon malgré tes remontrances incessantes. Le repoussant pour le chasser il ne veut rien savoir en grognant même plus pour forcer la borgne à se lever en lui sautant sur la jambe et s’en prendre à sa manche dans un deuxième round.

« Je crois que Grunt t’aime bien. Bon ça suffit arrête d’embêter Nell tu vois bien qu’elle travaille ?! »

L’attrapant à nouveau pour le reposer plus loin tu commences à grogner un peu plus pour qu’il accepte de se tenir tranquille en revenant te poser en face de la femme, sur ton siège.

« Je m’occupe de toute la communication des sponsors. Je contacte des marques ou elles me contactent et j’établis des liaisons avec les écuries intéressées. Parfois je trouve des dresseurs indépendants mais c’est très rare et souvent ils demandent plus cher. La prochaine fois que tu verras une écurie estampillée pokémontre tu penseras à moi. Et pour le restaurant … » Tu pouffes un peu de rire en venant fouiller dans tes poches pour en sortir le petit mot que tu avais gardé avec toi. « Je dois toujours trouver mon admirateur secret, sinon je vais finir par prendre la grosse tête. »

Finalement ça chauffe un peu trop dans ta tête. Trop d’idées qui fusent, ou du moins des trucs qui se rapprochent plus ou moins de ce mot. Tu soupires un peu, tu réfléchis, tu te grattes la tête et finalement tu hausses les épaules. « Je sais pas ce qu’ils en font. Il y a environ neuf Rattata sur dix qui sont vendus. Ceux qui s’en vont… Eh, je sais pas ce qu’ils en font. Pareil pour ceux qui sont revendus à la chaîne. J’imagine que ce sont toujours les mêmes qu’on propose. » Et ce sont des statistiques véridiques, ces pokémons n’ont jamais fait vibrer le continent.

En fait, il te faut rapidement une pause. Utiliser tes neurones trop longtemps ça a tendance à vite te faire surchauffer et ça peut potentiellement mal finir. Tu poses le stylo et tu croises les bras, tu observes la femme puis son pokémon faisant sa vie ; tu n’as vraiment pas l’air d’avoir envie qu’il vienne déranger le bordel organisé. Et aie, il préfère s’en prendre à toi. Tout de suite tu essayes de lui faire lâcher la manche, tu ne veux pas de bave de Rocabot sur tes vêtements et tu lui fais comprendre en tapant tout doucement sur le bout du museau.

« Non mais ! »

Tu espères simplement ne pas lui avoir fait du mal, ce serait vraiment dommage. Même si d’un côté il mériterait un peu plus de remontrances. Tu te frottes bien les yeux, puis tu viens vider ta petite bouteille d’eau d’une traite. Tu l’écoutes un peu distraite, laissant tes notes éparpillées un peu partout. Le collègue qui vient squatter s’en occupera probablement après.

« Je vois. Intéressant ! Tu parles avec les sponsors du coup ? Ils sont sympas ? Les dresseurs aussi ? J’en étais une avant mais finalement je suis mieux ici. » Mensonge. « Tu sais, au pire je prends la place de ton admirateur secret, hein. Il ne se montrera jamais. » Et ça, t’en es persuadée. C’est le principe d’un admirateur secret…

Le coup sur son museau n’était rien et pourtant le chiot s’est aussitôt mis à japper, chouinant tout ce qu’il pouvait en pleurant même dans tes pattes pour espérer te faire craquer et se venger de l’affront de la designeuse aux cheveux noirs. Haussant un sourcil, tu viens le récupérer dans tes bras pour faussement vérifier son état, un air un peu réprobateur tirant tes traits.

« Grunt arrête, Nell t’a à peine effleuré. C’est pas avec toi que je vais faire les arènes, vu comme tu es douillet. »

Le sentant couiner et mordiller tes doigts pour se venger de cet affront, et probablement parce que tu n’as pas engueulé la femme comme il l’aurait voulu, tu finis par échanger de place avec lui et le déposer sur ton siège et venir poser tes fesses sur le bord du bureau de Nell, la surplombant de quelques bons centimètres en étirant un sourire à sa proposition … particulière ? Tu ris même, à la fois amusée et touchée sans savoir si tu devais jouer le jeu ou non.

« Oh vraiment ? Tu penses que tu mérites de prendre la place d’un admirateur secret ? Mmh … J’ai surtout l’impression que tu essayes de t’inviter au restaurant ce soir. Finalement les plats luxueux et bien préparés ont eu raison de toi ? Ou alors tu essayes de couvrir cet admirateur secret et en plus tu essayes de passer du bon temps ? »

Dans un élan un peu maladroit tu viens attraper les feuilles un peu éparpilllées de la femme pour les classer dans l’ordre et surtout correctement. Parfois tu te permets même de lire quelques lignes pour satisfaire ta curiosité.

« Oui les sponsors sont gentils, parfois ils sont un peu tatillon quand on parle argent mais dans l’ensemble ils acceptent mes offres, de toute façon ils n’ont pas le choix s’ils ne veulent pas se faire blacklister par Odyssey, ce serait dommage. Et puis mon équipe est bien, je peux souffler de temps en temps. Les dresseurs je te dirais que ça dépend, certains sont très agréables et d’autres sont plus … Brutaux si je peux dire ça comme ça. Disons que j’ai surtout affaire aux écuries. »

Reposant les papiers sur le bureau tu te penches un peu plus vers elle, un sourire taquin aux lèvres en la provoquant presque du regard.

« Est-ce que mon admiratrice secrète de substitution veut aller quelque part ce midi ? »