Tu shootes dans un caillou de ta vieille pompe, les lacets défaits à en marcher dessus pour les saloper un peu plus et traîner la vieille terre avec. Parfois ton regard se pose sur un junkie en plein trip, alors que tu croques à pleine dents dans la barre de chocolat que Momo te garde toujours de côté. Quand t’as de l’argent pour payer tant mieux sinon tant pis, il peut bien faire ça pour la petite peste haute comme trois pommes qui habite quelques étages au dessus.

Si ça peut égayer un peu tes journées, alors il aura fait son taff.

Tu t’es posée à quelques rues de chez toi, sur un vieux bidon d'essence presque aussi grand que toi pour observer les gens passer, l’air monotone et ailleurs, comme si tu étais perdue dans tes pensées sans savoir quoi faire. Aujourd’hui tu n’as pas envie d’aller faire chier des primaires ou des collégiens, tu n’as pas non plus envie d’aller te prendre la tête à l’autre bout du quartier pour trouver un sale boulot de merde qui te demandera d’aller te contorsionner pour trois pièces. Messine assis à côté de toi, cette vieille feignasse préfère dormir, la tête posée sur un genou en remuant de temps en temps sa queue touffue et bien entretenue. Tu prenais plus soin de son pelage que tu ne prenais soin de toi, mais tu refusais de lui faire subir les résultats de ta vie de misère.

Terminant ta barre de chocolat, tu viens froisser le papier pour former une petite boule. Jouant avec tu finis par relever tes yeux malicieux vers les passants, à deux doigts de la catastrophe. Tu plisses les yeux pour te concentrer sur la poubelle à quelques mètres de toi de l’autre côté de la rue. Tu lèves les mains, te concentre et jette ta boule de papier pour espérer mettre un panier. Mais tu calcules mal ton coup, la poubelle tapant contre la tête d’une personne ayant eu la merveilleuse idée de passer devant au même moment.

« Et merde …. »

Doucement tu reprends conscience, agacé de ces nombreuses phases de vide où tu ne sais même plus ce que tu as pu faire… Et bien sûr, Maxine ne répond pas. Tu soupires, sirotant le jus plus très frais acheté tout à l’heure à un magasin ambulant, traînant le pas lentement pour rentrer chez toi. T’as bien travaillé aujourd’hui et tu as profité du temps qu’il te reste pour flâner ici et là. Tu n’en as rien à foutre, tu connais bien les rues d’Hadès et à force de traverser toujours les mêmes coins craignos tu n’as même plus à relever les yeux pour voir si tu prends la bonne direction.

Rapidement tu finis la boisson et tu viens la jeter, et c’est au même moment que tu reçois ce qui semble être un paquet de confiserie usagé sur la tête. Ça te fait tout de suite plisser les yeux, et lentement tu cherches la personne qui a osé te faire ça. Tu comprends vite que ce n’est qu’une gamine qui a fait ça, mais ce n’est pas pour autant que ça t’adoucit. Les sourcils froncés tu te rapproches d’elle, tu la dépasses très facilement de ta taille et tu grimaces pour lui faire comprendre que tu n’as pas aimé ça.

« C’était fait exprès de me viser ? Je n’ai vraiment pas aimé recevoir tes ordures. »

En plus elle a l’air d’une chieuse. Tout ce qu’il faut pour t’énerver un peu plus. Tu essayes de ne rien laisser paraître mais tu as presque envie de lui renverser toute la poubelle sur la tête pour te venger. Mais le temps que tu te tournes pour chercher le sac elle aura probablement déjà pris ses jambes à son cou.

« Et tu ne t’excuse même pas. Quelle sale gamine ingrate. Ramasse ta merde et va la jeter proprement. »

Te recroquevillant un peu sur toi-même, tu attends une réaction, l’espace d’une seconde qui semble durer une réelle éternité. Tu observes, détailles la personne en face de toi, un sourire à la fois gêné et maladroit aux lèvres. Ahah pas de bol pas vrai ? Le voyant se retourner vers toi tu comprends tout de suite l’erreur que tu venais de commettre. Tu n’aurais pas pu toucher un gosse ou un type à l’aura un peu plus sympathique ?

« M’sieur c’est pas vous que je visais. »

Pointant la poubelle du bout du menton tu refuses de t’excuser malgré ses reproches. Tu n’as pas fait exprès, tu n’allais pas en plus t’aplatir devant lui pas vrai ? Messine se relevant en baillant sous tout ce boucan tu gardes le menton relevé, l’air fière en observant la personne en face de toi de la tête aux pieds. Plus grand que toi - ce n’était pas compliqué de toute façon, même assise sur ce bidon d’essence usagé, l’air sévère et presque animal, digne des charognards d’Hadès.

« Je m’entrainais juste à viser la poubelle, pas ma faute si vous êtes grand et si vous êtes passé au mauvais endroit au mauvais moment, vous êtes pas mort ça va. »

Un haussement d’épaule, tu ricanes encore en observant le bout de papier puis l’homme en te rapprochant un peu de lui pour pouvoir lui chuchoter quelque chose, bien accrochée au bidon de peur de tomber en avant.

« Eh dites, vous avez une tête de vilain dans les films. Vous avez pas un boulot pour moi pour gagner un peu d'argent ? Je suis un peu dans la merde ce mois-ci et personne veut me filer de taff. Je peux tout faire, même le sale boulot, je me faufile partout avec ma petite taille et je prends pas cher, juste un petit billet ou deux, même pas de quoi aller au PokéGacha. »

Tu voulais au moins de quoi manger pour la semaine et faire plaisir à ta mère, mais sans billet en poche tu ne vas pas pouvoir aller très loin.