Caractère
Créatif – Contemplatif – Impulsif – Sensible – Intelligent – Solitaire – Junkie – Dépressif – Révolté – Mélancolique – Idéaliste – Amer – Lucide – Pragmatique – Nihiliste – Distant – Vulgaire – Feignant – Moqueur – Défaillance de confiance en soi – Névrosé – Calme (quand il est clean) – Excessif et déluré (quand il est pas clean) – Passionné – Humour macabre et acide - …
Je pourrais la faire courte, plutôt que tout raconter encore une fois. Je pourrais dire que j’suis l’avatar de ces tours, la personnification de ces lumières criardes dans les rues, l’incarnation des trottoirs et de tout c’qui est recroquevillé dans l’obscurité. J’erre avec une cigarette, et diverses substances singulières dans l’sang. Mon caractère n’est autre qu’un cratère. La lave de quelques volcans, cohortes de magmars terrés dans l’crâne. Le reliquat blême de rêves d’enfant dans l’béton. Et quand les illusions de l’enfance s’écroulent, elles laissent des cicatrices. Je suis de ceux qui n'espèrent plus rien, pas de messages des dieux, plus rien de radieux. Un simple camaïeu d’grisailles. Nihiliste, réfractaire, contestataire, révolté. C’est l’revers de la médaille de la liberté. Je n’aime pas c’monde. Je n’aime pas cet époque. Je n’aime pas ce système. Je suis peut-être bien nostalgique d’un temps que je n’ai jamais connu. Un mélancolique miteux. Alors je déroge aux règles. C’est que le pêcheur est un être plus libre que le fervent croyant. Je subsiste par un art sentant le goudron et les aérosols. Par la mine d’un crayon grattant le blanc du papier, le blanc de mes nuits, le blanc du vivant. J'aime le pigments des peintures et l'plastique. Et quelque part, je dois être une sorte d’idéaliste déçu. Se métamorphosant en un de ces junkies en quête d’autres couleurs diverses à étaler sur l’existence. Un fleur qui germe dans les débris de cette ville, à la lumière des boîtes de nuit, une photosynthèse contre-culturelle. Un libertaire, un libertin, d’un grand rien. Je virevolte dans le vide, créature plutôt vulgaire, un sourire narquois sur la tronche, j'ai un comportement à risque. Je suis une de ces trop nombreuses et entêtantes phrases antithétiques. Le pire et le meilleur de vous tous. La douceur et la fureur. La décadence et le renaissance. Une sombre lumière. Un corail de type spectre. Une sorte de roi des rats. Un être d’une transparence sibylline.
histoire
[Transcription, extrait, séance 1]
Je n’vois pas d’velours ici, seulement des vautours entre les tours. Des dépouilles mouvantes, montées sur des semelles trouées. Et des jours, invisibles depuis l’macadam, qui crèvent dans les obscurités, et résonnent à la manière d’un compte-à-rebours. Je contourne les cartons, sous l’regard perçant des gargouilles. Parfois, ouais, j’explose. Mais la plupart du temps, je m’roule en boule, dans un coin. Et ceux qui y naissent, dans l’coin, beaucoup sont comme moi. Ils apprennent rapidement à abandonner tout espoir. Parce que c’est une ineptie, cette chose-là. Ouais, l’espoir, ses promesses vaines, c’est autant de douilles dans la poitrine. Le premier truc à te rendre taré, le premier truc à éviter… C’est sans doute à cause de c’paysage, il est nocif. Dysfonctionnel. Doucement, tu saisis que tout n’est qu’une histoire de pulsions… Et on y cède aussi… On deviens l’protagoniste d’un conte sans fées. Que des tentacruels pour te grignoter l’cœur. Alors j’délaisse mon salaire dans des substances, dans l’underground d’Héra. On taffe pour pouvoir s’évader quelques heures dans l’mois… c’est comme ça. Ce n’est peut-être qu’une sombre affaire de chiffres. Je lâche du cash à la caisse. Et si tu penses faire vivre le quartier, c’est simple parce qu’il se nourrit de toi. De ta chair et de ton esprit. Ville vampire. Nostenfer bétonné. Nous sommes des marchandises, une sorte de buffet à volonté. Pas seulement le client du premier dealer du coin. Mais aussi celui d’une gestion économique bien plus vaste.
[Transcription, extrait, séance 2]
Je suis pas le seul. J’ai toujours observé mes proches dans la galère. S’acharner pour un salaire au rabais, grandir dans la misère, se confronter à la précarité. Et se faire grignoter jusqu’à n’être plus qu’des macchabés entre deux eaux. C’est peut-être moi le problème… mais que l’on se retrouve avec une carcasse rongée à la quarantaine… C’est pas une existence décente. Enfant, on n’entrevoyait qu’une porte pour m’extirper. Et on rêvait alors de gravir les barreaux de l’échelle, l’ensemble des échelons, avec une armée de pokémons. Mais les magouilles dans ce milieu… ça l’a fait claquer, cette unique porte de sortie. Cette issue de secours. C’est vicié, c’est corrompu, jusqu’à l’os. Du venin d’seviper dans l’business d’Odyssey. Ma meilleure amie, Marcia, elle, elle a réussi. Je me souviens qu’on l’avait eu ensemble, cette idée. Celle de devenir des dresseurs. Des champions. Mais j’ai repensé ce rêve-là en m’confrontant des molaires à la réalité du terrain. Elle, elle s’est accrochée. Elle a fait les sacrifices nécessaires… Et elle est plus alcoolique que moi. Parce que ce milieu-là, il ne fait que la mastiquer. Encore une fois, on est fait de chairs, et l’système s’en nourrit pour subsister. Mais Marcia, elle préfère ça aux tours. Et moi, je crois que j’préfère encore les tours. Alors, qu’est-ce qu’il nous reste, hm ? La révolte, voilà. Et les substances nous laissant percevoir d’autres réalités, qui ne sont pas… Les paradis artificiels… Ouais, on pourrait en parler longtemps. Mais tu vas lever le menton, marquer une pause, et m’sortir une de tes phrases qui savent me frapper l’cœur… Et j’ai pas envie de ça. Je n’ai même pas envie d’être là. Je préférerai être perché, dans mon appart’. Mais si je me pointe pas, tout va me retomber dessus… Parce que c’est les conditions… je dois suivre ces séances, et m’procurer mon premier pokémon…
[Transcription, extrait, séance 5]
Pourquoi je devrais reconnaître mes erreurs ? Pourquoi je devrais reconnaître que j’ai un problème ? Et quand est-ce que cette société les reconnaît, elle, ses erreurs et ses problèmes ? Je n’suis pas arrivé ex nihilo dans c’taudis d’asphalte. Moi, j’étais un rêveur. Mais on ne se construit pas, pas entièrement. On est construit. Il y a une forme de déterminisme social dans tout ça. Un déterminisme social qu’on sous-estime aujourd’hui… C’est de la sociologie de base pourtant… Nos goûts, nos choix, nos chances, nos réussites, nos échecs, tout ça… On est pas entièrement libre… On est le produit de notre environnement. Je suis le produit d’mon environnement. Je suis le rejeton de ces trottoirs, le rejeton de cette galère, le rejeton de la désharmonie et du déséquilibre. Alors ouais, on m’a pris en possession de drogues… Et ouais, je suis impliqué dans une affaire de violence… Je me suis battu en sortant de c’bar… Et ce n’est pas la première fois, et ça n’sera pas la dernière fois… Mais je suis pas un agresseur… je suis même pas un délinquant… je suis pas un élément problématique… Nous autres, on est des mimiquis. Et s’travestir en pikachus, c’est terminé. Nous sommes des spectres. Je suis l’fantôme de votre société. Je suis une persistance de ce que vous avez tué. Je suis votre reflet dans le miroir, le reflet que vous n’voulez pas voir. Et si vous ne m’aimez pas, si vous me détestez, si je vous répugne… je m’en fous… Car ce que vous n’aimez pas chez moi, c’est ça. L’image que je vous renvoie de vous-même… Si quelque chose cloche chez moi, c’est que quelque chose cloche chez vous… Si quelque chose cloche à l’intérieur de moi, c’est que quelque chose cloche à l’extérieur de moi…
[Transcription, extrait, séance 6]
Dernièrement… j’ai eu une nouvelle période de délire, en dehors des acides… et un temps de dépression, sans spliffs… Et je crois que je suis en descente en ce moment. Quand je parle de période de délire, je parle pas d’hallucination. Je veux dire, c’est plus dans la manière dont je me perçois… C’est pas quelque chose de nouveau… J’ai toujours été comme ça, je crois… Et d’un jour au lendemain, rien ne change vraiment, mais je suis tantôt chamanique, tantôt apathique. J’oscille. Des airs de sorciers dans un sabbat, puis une âme apathique, aphasique. Fantasmatique puis neurasthénique. Je m’enferme chez moi. J’essaye de régulariser la chimie d’mon cortex cérébrale avec des alchimies de synthèse. De la fumée de smogo pour étouffer un peu les fantômes. Je me noircis les poumons, je me refais les moulures, je me déstabilise les synapses. Parfois, c’est bon de se sentir s’effacer, ou plutôt d’faire taire certaines pensées… Il ne s’agit pas de périr, seulement de détruire, un peu. Et le lendemain, je prédis et je désir. Pour ensuite divaguer, encore, quelque jours plus tard. Je suis instable… Et quelque part, ça nourrit ce que je fais. Pas en terme de travail, plutôt mes dessins. C’est un exorcisme, mes carnets en exutoire. Et les murs des bas-quartier, aussi, parfois. Bref, j’suis aussi dans la création visuelle, à l’ancienne. Un aérosol, un crayon, du papier. J’exprime les mouvements intérieurs… les trucs qui tournent à l’intérieur… Mais ça, c’est peut-être pas vraiment important… Quoique, quelque part, ça fait aussi partie de ma révolte… de mes refus… Et si mon art est violent, c’est parce que l’argent, c’est violent. Et l’école et l’amour sont des choses violentes, tout comme la rue et le monde…
[Transcription, extrait, séance 8]
J’ai retardé ce moment au maximum… mais je m’en suis procuré un, ouais, il y a quelque jour. Un Tritox. Mais la volonté derrière tout ça, elle est limpide. On est pas stupide. Plutôt lucide, peut-être même extralucide, j’en sais rien… Mais ces séances avec vous, et c’pokémon dans mes pattes… Ce sont des instruments. Des instruments pour m’faire rentrer dans une forme de normalité… Le fantasme d’une société, c’est la stabilité. La stabilité passe par le contrôle. Le contrôle passe par la globalisation. La globalisation, par la normalisation. Le véritable tour de magie, il est dans l’art de faire paraître comme concret quelque chose d’abstrait. Parce que la normalité est une abstraction. Une abstraction que l’on a construit et banalisé. La normalité, c’est pas comme l’eau ou le vent. Peut-être qu’on peut dire que c’est un concept mouvant, comme eux, mais c’est tout. La normalité n’est pas tangible… Et pourtant, elle semble l’être… Un soir, j’étais défoncé, et je m’suis pris à penser à cette théorie du complot… Tu sais, celle selon laquelle les puissants de c’monde serait des métamorphes sous forme humaine. Et je suis loin d’y croire, mais dans un sens métaphorique, il y a quelque chose d’intéressant là-dedans. Ouais, tout le monde se ressemble. Les individus se ressemblent les uns et les autres. Ils se ressemblent dès qu’ils se conforment à des normes. Et derrière tout ça, derrière cette théorie complotiste, j’crois qu’il y a une peur que les différences individuelles soit gommées. Et c’est une sensation, une crainte, que j’ai aussi parfois… J’ai peur de la normalité… comme si j’avais peur d’être privé de mon individualité… que l’on efface ce que je suis… J’ai peur de m’estomper… J’ai peur de disparaître… Et j’ai peut-être peur qu’on m’oublie… J’ai peur de ne pas compter… Pour personne…