Son histoire n'est pas très intéressante, qu'elle dira. Pas qu'elle a envie de faire sa femme mystérieuse en ne disant pas grand chose, juste que se plaindre c'est pas trop son style. C'est pas une demoiselle hyper pessimiste, du coup ça l'embête un peu de devoir tout raconter sa vie. Pas qu'elle soit hyper dramatique, comme histoire, juste que c'est plein de petites choses pas très fun qui sont un peu chiantes à raconter, mais qui ont tout de même leur importance. La vie, elle passe comme elle vient, les vagues ont simplement gravé la roche pour donner ce qu'elle est aujourd'hui, en bien comme en mal. Elle saurait pas quoi dire de plus là-dessus.

Elle est née, un jour, c'est pas mal le début de chaque histoire, bien qu'elle se doute que les attentes étaient déjà bien plus grande qu'elle à sa naissance. Ils parlaient fort et démontraient leur mécontentement en hurlant, mais à part ça, elle suppose qu'ils étaient des parents assez typiques, juste pas hyper géniaux peut-être, ou qu'ils n'étaient simplement pas adaptés à sa personne. Elle a toujours été considérée comme une génie, même si elle ne l'a jamais vu comme ça; ni même compris d'ailleurs. Elle a sans doute parlé plus tôt que c'que les statistiques et la moyenne de tous les gamins disent, elle n'a jamais rien compris aux maths de toute façon. Chaque réussite était attendue, mais bien peu acclamée, "C'est normal après tout", alors que chaque échec était moqué, hurlé, comme si elle avait tué le ponchien sans faire exprès. Elle ne sait pas d'où venaient toutes ces attentes envers elle, mais ce fut... démoralisant, c'est clair. Stressant, aussi. Pas le type de stress qui motive à faire mieux, mais celui qui motive à cacher, mentir, et surtout, ne pas croire en ce qu'elle sait, ne rien prendre pour acquis. L'acclamer comme une génie en même temps de tout lui reprocher, ça n'a pas forgé une génie, juste une gamine qui a peur des hurlements, peur de l'échec, peur de tout gâcher, peur qu'on remarque ce qu'elle fait de mal pour lui écraser sur la tête. Peut-être qu'ils croyaient que c'était une bonne méthode pour qu'elle ne recommence plus à échouer, mais bon, ce n'était que le début de sa vie.

La méthode était similaire pour son caractère, comme si chaque gosse venait avec un moule prédéfini où elle n'a jamais réussi à mettre les pieds. On lui disait qu'elle était sage, tranquille, obéissante, comme une parfaite petite toile sur un mur, en même temps de lui reprocher tout ce qu'elle ne faisait pas "comme les autres gamins". Du coup, elle mimique. C'est con quand même, du coup c'est quoi sa personnalité ? Elle sait pas trop. Nerveuse, ça oui. Elle reconnaît les pas, se recroqueville au moindre son trop fort, panique aux moindres émotions négatives... même si elle n'est pas du tout concernée. Osef, c'est sans doute de sa faute à quelque part.

Sa personnalité tourne autour de ses passions, que certains diront. Douce comme une fleur, tranquille comme un buisson, même si pour le coup, sa passion des fleurs n'a pas toujours été un aspect très positif de sa vie. C'est sa zone de confort, ce qu'elle sait presque avec certitude qu'elle connaît comme sa poche, le jardinage est sa passion mais est également ce qui nous mène à la prochaine catégorie: Le relationnel ! Car oui, comme mentionné dans son caractère, ses intérêts sont profondément limités, du coup si d'un côté c'est une gamine passionnée qui adore ce qu'elle fait, de l'autre... bah c'est une gamine reloue qui ne parle que de son plant de tomates nommé Barnabé, qu'il a commencé pousser et qu'elle a bien hâte de donner des tomates à tout le monde quand ce sera tout poussé. Sauf que du coup il s'est rien passé d'autres dans sa vie, du coup quand ça dépasse Barnabé, elle n'a plus rien à dire. Du coup, elle répète, elle radote, et reparle de son bouquin préféré dont elle a déjà parlé au moins trois fois cette semaine. Du coup bon, elle avait pas beaucoup de potes.

Elle en a eu, ah ça oui. Mais... mais les garder ça a toujours été compliqué, elle a toujours eu du mal avec les gens. Rejetée, oubliée, mise de côté, ça a malheureusement été son quotidien pendant bien longtemps, en plus d'être ce type de gamine fantôme pour qui clairement personne ne se bat et fait la file pour être sa pote. Ce qui se passait, la majorité du temps, c'est qu'elle avait un pote qu'elle suivait partout et qui la présentait à d'autres. Le nombre de fois qu'on lui a dit "Mais, tu sais que telle personne n'est pas vraiment ton amie, right ?", disons que maintenant, elle s'attend presque à ce qu'on lui dise à chaque instant. Elle est plus self-aware de ce qui la rend bizarre que ce qu'on pourrait penser, et ça la terrifie. Elle aime fort, mais plus qu'elle aime, plus elle a peur. Cool.

Lorsque ça allait bien à la maison et que ça ne parlait pas d'à quel point elle est ridicule d'avoir peur des téléphones et que ses derniers résultats étaient médiocres, ça allait bien, though. Plus ou moins. Elle s'occupait du jardin, ou à coudre, comme une véritable mamie, avec sa p'tite tasse de thé à côté, ça va de soi. Elle a cousu son écharpe rouge elle-même, et ne l'enlève plus. Jamais.

Sinon, elle a eu Potiron, un jour. Il est cool Potiron. Apparemment que son état de santé pas génial lié à son anxiété quasi-permanente était un peu inquiétante. S'ils n'ont jamais compris les pourquois des comments, aucune remise en question, ils se sont quand même dit que l'aider un peu serait pas mal, du coup pouf, un pokémon ! Et c'est un brindibou qui l'a choisie. Enfin, le hasard a choisi un brindibou, mais elle préfère se dire que c'est lui qui l'a choisi. Ça lui donne l'impression d'être importante, vous voyez ? Genre, wouah, un pokémon m'a choisie, moi ! Il est bien le seul. Oups.

Sinon, sa passi-obession pour les plantes l'a menée à devenir jardinière, parce qu'elle sait ce qu'elle fait et qu'elle a pas envie de chercher ailleurs, par peur d'échouer encore et que ça lui retombe dessus. Pourquoi sortir de sa zone de confort, t'façon ? Terrible, vraiment. Maintenant qu'elle vit seule, dans ses propres affaires, ça va mieux. Un peu. Mais pas trop quand même. Elle fait ses propres choses, à son propre rythme, sans se soucier du temps qui passe.

La vie ne change pas plus que ça. Peut-être qu'elle devrait, peut-être pas. Elle n'a pas envie de se poser la question.