Tu l’avais senti venir et pourtant tu avais accepté cette fin de journée dans un des bars d’Hera. Tu aurais pu prévoir l’entourloupe à des kilomètres à la ronde et pourtant, devant le regard de rocabot battu d’une de tes collègues tu n’as pas pu résister. Tu as bien soupiré d’agacement en essayant de trouver une excuse mais tu devais te rendre à l’évidence : tu n’avais absolument aucune échappatoire et tu n’avais pas pris tes affaires de sport pour prétexter y aller pour l’unique fois du mois.

Alors tu les as suivis, un peu hésitante au début tant tu n’avais pas l’habitude de ce genre d’endroit. Parler aux gens n’était pas vraiment un souci pour toi mais découvrir des lieux inhabituels avait tendance à te stresser plus qu’à l’accoutumée. Tu les as suivis jusqu’à une petite table ronde à part, t’installant sur les fauteuils – très confortables soit-dit en passant, en commandant un alcool un peu au hasard sur la liste. Grunt dans sa pokéball pour le tenir à l’abri du mouvement et du bruit tu n’as cessé de serrer ton sac contre toi, encore un peu tendue en les observant un par un tous aussi décontractés les uns et les autres.

Il allait te falloir du temps pour appréhender les lieux.

Tu as levé ton verre pour trinquer avec eux à la réussite du dossier d’un nouveau partenaire avant de boire une gorgée. Tu as laissé échapper un rire, touchée par leur geste et leur envie de te faire sortir de ton cocon ; tu en avais besoin mais tu savais pertinemment que tu allais devoir prendre sur toi.

Et finalement, ils sont tous partis dans leur coin, chacun vaquant à ses occupations.

Tu t’es retrouvée seule, un peu laissée à ta perte à grignoter les quelques chips et amuse-gueules laissés là pour faire passer l’alcool. Tu dois en être à ton troisième ou ton quatrième verre tu ne sais plus trop. Une chose est sûre, tu ne te sentais pas dans ton élément ici.

Las, tu joues doucement avec ton verre quasiment vide. Tu passes le doigt sur le rebord encore et encore, le regard perdu dans le vide. En temps normal tu es dans ton élément ici, loin d’Odyssey et de ce travail merdique, tu fais des rencontres jusqu’à pas d’heure pour finalement rentrer chez toi. Mais ce soir, tout semble différent, tu as cette impression d’être étrangère à ce lieu, un peu détachée de tout.

Non, il va falloir que tu te bouges le cul, et rapidement.

D’un revers de la main tu replaces les mèches de tes cheveux, tu laisses pendre quelques rebelles devant ton cache-œil puisque de toute façon ça ne te dérange pas de les avoir là. Tu finis ton verre en quelques gorgées à peine et tu l’abandonnes là, te relevant pour te mettre en recherche de quelqu’un à venir emmerder et squatter. Il y a des solitaires, d’autres qui ne te reviennent pas, certains te tentent mais d’autres sont plus rapides et se glissent aux tables comme on entrerait dans un moulin.

Et finalement contre toute attente tu croises une collègue. Seule qui plus est. Ça t’arrache un haussement de sourcils, tu ne comprends pas comment elle peut être seule comme ça.

Bon, pas le choix. Par solidarité tu viens t’asseoir à sa table après avoir pris un nouveau verre. Tu tiens assez bien l’alcool donc tu peux encore rester un moment dans ce bar. Dans un autre geste las tu viens replacer tes cheveux derrière tes épaules ; il ne te faut pas grand-chose avant de craquer et de passer aux cheveux courts. C’est super contraignant comme ça.

« Louise ? C’est bizarre. Je ne pensais pas qu’un bar serait un lieu sympa. »

Du peu que tu as vu, elle a l’air si coincée.

Ton regard se lève vers la silhouette se rapprochant de toi, tu clignes des yeux avant de te tendre et la détailler de la tête aux pieds en serrant un peu plus ton verre entre tes doigts. Merde tu ne t’attendais pas à la voir ici et elle ne devait probablement pas s’attendre à te voir ici non plus.

« Je … »

Tu rentres la tête dans tes épaules, marmonnant quelque chose d’incompréhensible en venant craquer un chips entre tes dents le temps de trouver tes mots. Tu n’étais clairement pas ton élément et toute ton appréhension pouvait se sentir à des kilomètres à la ronde.

« On m’a invité. Enfin mon équipe a insisté pour fêter la fin d’un gros dossier en allant boire un verre et … Ils sont partis en me laissant seule. Je n’ai pas l’habitude, normalement je promène Grunt sur le chemin du retour et je rentre aussitôt chez moi. Je ne sais même pas quelle heure il est. »

Un soupir t’échappe, te pinçant l’arrête du nez tu fronces les sourcils en essayant de garder l’esprit clair malgré l’alcool que tu as pu ingurgiter pour essayer de faire passer le temps. De ta main libre tu viens gratter dans le bol d’apéritifs en osant un regard discret vers la femme. Vous vous étiez déjà croisés dans les locaux d’Odyssey mais vous n’aviez jamais trouvé l’occasion de réellement discuter ensemble.

« Et toi ? Tu as l’air d’avoir plus l’habitude de venir ici. Tu côtoies souvent ce genre d’endroit ? C’est étrange de ne pas être dans son élément et … de se voir en dehors du travail. »

La prochaine fois tu ne te feras pas avoir, c’est certain.

Un sourire s’étire sur tes lèvres, tu as vraiment l’impression de faire face à un Rocabot tout perdu qui vient d’être abandonné par son propriétaire. Tu es au courant que Grunt fait d’ailleurs partie de cette espèce alors ça rend la chose encore plus comique. Tel pokémon tel maître, enfin tu ne vas pas te moquer plus que ça d’elle, elle doit déjà être au bout de sa vie, elle n’a pas besoin qu’une collègue vienne en rajouter une couche.

« Invité ? Ah oui, c’est le coup classique des collègues qui ont eu pitié de toi et qui t’ont emmenée avec eux pour finalement te laisser dans ta merde. Mais hé, peut-être qu’ils espèrent que tu trouves l’amour de ta vie par ici ? »

C’est là que se forment beaucoup de relations. Mais tu as cette impression qu’elles sont souvent éphémères et qu’elles se défont aussi rapidement qu’elles se font. Bah, c’est comme ça. Ça a été différent avec ton conjoint – ou du moins ce qu’il en reste, maintenant c’est le bord de la rupture. Tu t’adosses bien à la chaise, tu bois une petite gorgée de ta boisson et tu soupires.

« Je traîne souvent ici, oui. T’as pas besoin de l’heure Louise, justement le but d’un bar c’est de perdre la notion du temps et de rentrer le plus tard possible chez soi. T’as pas envie de te détendre un peu et d’aller danser un coup ? Ce que tu fais là tu peux aussi le faire au bureau. Sors de ta zone de confort, je suis sûre que tu peux te faire plein de copains. »

Même si ça ne dure qu’une nuit, c’est toujours sympa de croiser du beau monde.

L’amour de ta vie, quelle bonne blague. Tu n’allais probablement pas le trouver dans un endroit aussi atypique -pour toi en tout cas, que celui-là. Tu avais véritablement besoin de décompresser mais maintenant que tu étais toute seule tu te sentais toute dégonflée, vide de tout courage. Tu ne savais pas comment te comporter avec les autres dans cet endroit, comment les aborder ou même de quoi discuter. Après tout à part le boulot tu n’avais pas énormément d’interactions.

« Tu sais je ne sais pas si c’est le bon moment de me mettre en couple. Enfin je veux dire ce n’est sûrement pas ici que j’allais trouver quelqu’un qui partage les mêmes choses que moi.»

Après tout tu es de ces vieilles filles qui risquent de finir leur vie seule, entourée d’une cinquante de Chacripan et autres Miaouss obtenus au PokéGacha et qui risquait de faire fuir la moindre personne un minimum intéressée.

« Et puis je ne sais pas danser. Je ne vais pas accoster des inconnus et leur proposer de s’amuser avec moi. Je ne m’en sens pas capable, c’est beaucoup trop brusque et étrange pour moi. On devait juste prendre un verre ou deux et rentrer … Je vais vraiment finir par croire que tout était calculé. »

Pour te donner du courage tu termines ton verre pour te caler un peu plus dans ton siège moelleux et observer les gens dansant au centre de la piste.

« Pourquoi tu viens ici ? Tu ressens quoi quand tu bois et quand tu danses ? Toi aussi tu viens pour tenter de trouver quelqu’un ?»

Tu ne peux t’empêcher de lâcher un petit rire. On dirait bien que tu fais face à quelqu’un qui ne veut pas sortir rencontrer du beau monde et qui préfère sa petite routine qui permet de rester en sécurité et de limiter au maximum les imprévus. Ça fait bizarre parce que tu es tout son contraire, plus tu es loin de ton appartement, mieux c’est. Ça te permet de penser à autre chose que cet inconnu qui vit avec toi.

« Il y a quand même de très bonnes surprises… Tu ne sais pas ce que font les gens une fois chez eux. Ils ne sont pas tous fêtards. »

Une fois de plus tu joues avec ton verre, maintenant qu’il est moins rempli tu peux te le permettre. Et tu viens aussi grignoter ce qu’il y a dans le panier, ça fait toujours plaisir même si tu vas sûrement devoir rattraper cet écart le lendemain. Ce n’est pas très sain de penser autant au sport mais tu en as besoin pour décompresser. Encore plus depuis ton accident.

« Je peux t’apprendre à danser, c’est facile il suffit juste de suivre le partenaire. », dis-tu en souriant simplement. Tu lui lances même un petit regard faussement timide. « Ils doivent se dire que la petite coincée a besoin de voir du monde. »

Tu te fiches bien de la vexer, c’est la vibe qu’elle te donne depuis le début. Elle a toujours l’air si sérieuse, ça t’hérisse les poils un petit peu. L’ambiance se prête à danser et à se décontracter et elle reste toute tendue dans sa tenue pas adaptée pour se lâcher.

« Je viens pour oublier mon job de merde. Je me souviens rarement de mes soirées quand je bois trop. Et j’ai déjà quelqu’un, même si je cherche à le faire dégager ou à partir de moi-même. Mais c’est pas simple. Pourquoi ? »

La proposition de la femme t’arrache un frisson inexplicable. Haussant un sourcil tu la regardes, un peu hésitante en observant son verre puis le sien et finalement l’apéritif qu’elle ne tarde pas à dévorer. Tu ne sais pas comment prendre cette invitation, ça te stresse et tu couines même encore en te recroquevillant un peu plus. Bon sang si les autres reviennent à ce moment là ils vont réussir à se poser des questions et te chambrer avec ça pendant les prochaines semaines.

« Je suis vraiment nulle je vais te mettre la honte. », tu réponds avec une voix tremblante, faussement vexée par sa réflexion suivante. Elle avait raison mais … C’était si visible que ça ? Tes joues ne manquent pas de se colorer doucement alors que tu grommelles à nouveau. «  Je ne suis pas coincée, juste très occupée.» Mensonge, tu avais juste du mal à sortir de ta cage dorée.

Tu termines ton verre en fuyant son regard, tes doigts triturant encore ton tailleur pour essayer de te calmer ; tu craques en reprenant une nouvelle chips pour t’occuper.

« Je demande par curiosité. J’essaye de trouver un sujet de conversation. Tu as déjà pensé à le quitter ou c’est compliqué ? Tu n’as pas l’air de l’apprécier vu comme tu en parle. C’est pour ça que tu viens toute seule ici ? »

Pendant un moment tu hésites à prendre les devants et à te lever pour l’inviter à danser. Mais visiblement vous n’avez pas fini votre petite conversation et tu roules les yeux tout simplement. Ah là là, mais qu’est-ce qu’ils font ses collègues pour apprécier sortir avec une personne comme ça ? Bah, tu hausses les épaules, chacun fait ce qu’il veut.

« Y’a pas de honte à avoir, tous les gens auront tout oublié d’ici demain. C’est pas dramatique. »

Et tu roules les yeux, tu finis rapidement ton verre et ta poignée d’apéritifs. Tu sens qu’elle va être difficile à sortir de sa zone de confort, et tu n’es peut-être pas aussi cruelle pour faire ça. Ouais. Elle fera comme bon lui semble.

« Je ne peux pas le quitter, j’ai peur de ce qu’il peut me faire. » C’est rare que tu montres une faiblesse. Et c’est encore plus rare que ça soit après dix minutes de conversation. « Mais j’ai espoir de lui mettre un coup de pied au cul en temps voulu. Bon allez, on va danser ? »

Tu te lèves et tu lui tends une main. Tu la fixes de ton seul œil, tu espères qu’elle ne va pas te mettre de vent. Qu’est-ce que tu vas dire à ta conscience si elle ne fait rien ?

Tu la sens fébrile, bien plus qu’elle ne voudrait l’être en tout cas. Tu serais presque touchée mais plus que tout tu es inquiète pour elle. Visiblement son compagnon n’était pas quelqu’un de très bienveillant et pour qu’une personne qui semblait, au premier abord, si forte, ait peur de la sorte c’est qu’il ne devait clairement pas être très fréquentable.

« Il t’a déjà menacé ? Tu devrais aller le signaler si c’est le cas. »

La voyant se lever tu la suis du regard en relevant la tête sans savoir ce qu’elle comptait faire. Partir ? Ce serait compréhensible, après tout tu n’étais pas des plus amusantes et elle n’était probablement pas venue ici pour parler de ses problèmes de couple. Te pinçant l’intérieur de la lèvre tu louches sur sa main, sursautant même très légèrement avant de chercher comme une approbation dans son regard.

Toi danser, sérieusement ?

Cherchant tes collègues du regard tu bégayes, hésites encore en tendant la main sans aller jusqu’au bout le temps de réfléchir. Et si tu te foutais la honte ? Et si elle se moquait de toi ? Tu entrouvres les lèvres, rien ne sort si ce n’est un geignement plaintif et gêné. Mais finalement tu attrapes sa main, terminant ton verre dans une dernière gorgée pour te suivre et observer la piste de danse sans oser t’élancer en première.

« Ne te plains pas si je te marche sur les pieds. »

Roulant de ton seul œil valide tu essayes de penser à autre chose. Si tu es ici ce n’est clairement pas pour t’abattre sur un malheur que tu espères éphémère pendant encore quelques mois avant de définitivement faire ses valises. « Je me débrouillerai pour qu’il arrête son cinéma. » Et dans un sourire tu saisis sa main tendue, la tirant avec toi doucement jusqu’à la piste de danse.

Vous êtes entre tellement de gens qui sont occupés que tu es persuadée que personne ne vous remarquera. Doucement tu viens placer une main dans son dos, tu ne cesses de sourire, tu trouves la situation très amusante. Et tu te demandes bien ce qu’il va se passer si elle danse si mal que ça.

« J’ai l’habitude. Tu feras attention par contre, hein ? Je suis sûre que j’ai vu pire que toi. »

On commence tous quelque part, et Louise a forcément échangé quelques pas de danse dans son enfance. Tu ne peux pas croire un seul instant que ses parents l’aient empêchée de se défouler après les cours à coups d’activités très onéreuses. Dans tous les cas tu entames une petite danse, simple et facile, même si tu improvises beaucoup, Louise n’a qu’à suivre et emboîter le pas en faisant attention à ne pas t’écraser. La musique est forte donc personne ne t’entendra te plaindre mais ce serait dommage de rentrer chez toi en ayant mal aux pieds.

« Tu vois ? Pour le moment ça se passe bien. Continue, essaye d’improviser et je suis. »

Instinctivement tu t’accroches à elle, tes doigts agrippant le tissu de son haut alors que tu suis ses mouvements maladroitement, un pas hésitant après l’autre en manquant de trébucher en t’emmêlant les pieds. Louchant dessus tu essayes d’appréhender chaque mouvement pour pouvoir suivre le rythme.

« Je crois que tu me surestimes. »

Un rire t’échappe, petit à petit tu te détends malgré ta crainte de mal faire quelque chose. Ta prise se serre un peu contre ses hanches et ton talon finit par rencontrer son pied ; tu le retires rapidement mais tu sens que le mal est déjà fait. « Merde désolé. » Tu marmonnes l’excuse en baissant un peu plus la tête. « Je t’avais dit que j’étais nulle. » Tu te tasses un peu plus sur toi-même en ayant l’impression d’être un boulet dont on ne peut se défaire.

Alors quand elle te laisse les rênes tu commences à paniquer, aussitôt tu relèves la tête vers elle en cherchant tes mots sans que rien ne sorte. Tu n’étais douée que pour gérer une équipe, pas trouver le tempo et suivre la musique entre autant de monde. « C’est une blague pas vrai ? » Tu souffles en observant les autres fêtards de la boîte pour essayer de les imiter et jouer le jeu de la femme, tes pas menant ton rythme maladroit.

« Tu veux me tuer, Nell. »

De honte ou de gêne tu ne sais pas trop, mais à ce moment précis tu aurais préféré te rouler en boule dans un coin pour te dissimuler loin de tout.

Un soupir s’échappe d’entre tes lèvres alors que tu la serres contre toi, l’œil fixé sur son visage que tu détailles un peu mieux maintenant que vous êtes si proches. Tu ne peux vraiment pas croire qu’elle ne sache même pas danser un minimum, ne serait-ce qu’en improvisant. Tu gardes un sourire satisfait, serrant ta prise un peu plus fermement. Tu as parfois du mal à mesurer ta force, tu espères que tu ne lui feras pas mal.

Son talon rencontre ton pied et tu fais comme si tu n’avais rien ressenti, il n’y a qu’une petite grimace qui vient trahir tes tentatives de le cacher. « J’ai vu pire. Vraiment. Continue maintenant. » Et quand tu la laisses improviser tu la sens un peu paniquer. Tu ne comprends pas trop pourquoi, elle qui a pourtant l’habitude de mener la danse autrement, la voilà qui se retrouve sans ses moyens.

Ça te fait doucement sourire, tu la pousses un peu pour la motiver. Tu observes aussi les autres danseurs qui sont trop occupés à faire leur truc pour se moquer de vous, puis tu lances un regard ailleurs dans la salle. Tout le monde est occupé. Tant mieux. On ne s’intéresse pas aux gens qui ont déjà trouvé un partenaire de danse.

« Tu vois, tu t’en sors bien. Tu pourrais faire ça toute la nuit je pense, mais tu dois travailler demain, non ? »

Tu ris, tu te demandes bien si ça lui est déjà arrivé de se pointer au travail avec une énorme gueule de bois.

Ton pas reste hésitant, prenant son rire comme une moquerie à ton encontre tu sens tes joues se colorer doucement à t’en arracher un petit couinement de gêne. La tirant un peu vers toi comme pour prendre confiance tu essayes de rester digne en relevant même un peu le menton pour croiser son regard.

« Je ne sais pas si j’aurais l’énergie pour danser toute la nuit et tu risques de te lasser. »

Petit à petit tes pas sont un peu plus sûrs d’eux, tu oses plus de choses en laissant tes doigts lâcher le tissu de son haut pour attraper ses hanches d’un geste timide. D’un coup d’œil discret tu vérifies si tes collègues ne sont pas revenus à votre table comme pour te rassurer.

« Je travaille pas demain matin, j’ai pris ma mâtiné pour pouvoir récupérer de notre dossier. Mais ce n’est pas une raison pour rentrer tard et surtout alcoolisée. » Un soupir t’échappe alors que tu dois te reprendre pour ne pas trébucher et t’emmêler les pieds. « Ce sera une occasion pour enfin utiliser mon abonnement à la salle. »

Secouant la tête pour remettre en place une mèche rebelle tu te surprends même à pouffer de rire, presque amusée par la situation en essayant finalement de la prendre de court d’un pas rapide.

« Pourquoi cette question, tu es du genre à rentrer tard chez toi ? Ou alors je vais déjà te manquer si je pars maintenant ? »

Elle se débrouille pas mal pour quelqu’un qui n’a soi-disant jamais dansé, tu la sens qui tente de faire la fière ou du moins de ne pas perdre la face devant toi. Tu ris un peu, comme un fou-rire à la nature douteuse. Ça arrive à tout le monde, et tu espères qu’elle ne comprendra pas que c’est parce que tu as eu des pensées intrusives la concernant.

« Je ne te demande pas de danser toute la nuit. Je veux surtout que tu t’amuses un peu avant de rentrer chez toi, histoire de ne pas donner raisons à tes collègues. »

Collègues qui doivent probablement l’avoir remarquée et qui vont peut-être lui faire des commentaires le lendemain. Les collègues vont peut-être être très durs avec elle, tu t’en veux presque.

« Il faut boire beaucoup d’eau. Tu feras ça à la maison hein ? Sinon demain tu auras une gueule de bois. » Puis tu as l’air tout de suite plus intéressée en l’entendant parler de salle de sport. Ah vraiment ? Elle y va ? « Je connais bien le temple. Tu n’y vas jamais ? C’est dommage, ça coûte la peau du cul tu devrais en profiter. Je rentabilise le moindre centime de mon côté. »

Finalement tu te lasses rapidement de cette danse. La musique n’est plus aussi entraînante qu’au début, alors tu l’invites à arrêté après l’avoir fait un peu basculer. Tu la tiens fermement, tu as un peu peur de la briser en deux.

« Ils ont des bons coachs à ma salle. Personnellement je ne suis pas très pédagogue. Mais tu devrais te renseigner. »

A son rire tu t’écrases un peu, une mine boudeuse au visage en te pinçant même légèrement la lèvre inférieure. Rah tu n’aimes pas ça, tu voulais te donner un air classe mais peut-être qu’au fond tu étais juste ridicule ? Pourtant tu ne dis rien, laissant passer cette gêne en écoutant attentivement ses conseils. De l’eau, beaucoup d’eau, tu en boiras probablement trop au cas où. « Ou-Oui, je ferais ça. »

Et finalement tu la sens tout de suite plus intéressée, comme si quelque chose avait égayé sa curiosité. Tu hausses un sourcil, t’accrochant timidement à ses épaules en la sentant dicter un dernier mouvement. Tu l’observes, ta prise se serrant le temps que tu te redresses en fuyant le regard en direction de la table où tu t’étais installée de base pour cacher ta gêne.

« Je, ce n’est pas que j’y vais jamais. C’est juste que … y aller toute seule ne me motive pas vraiment. »

Toujours aucune trace de tes collègues alors sans vraiment réfléchir tu attrapes sa main pour la tirer avec toi loin de cette piste de danse et retourner vous poser à la table toujours libre.

« J’ai peur qu’on se moque de moi parce que je ne sais pas utiliser les machines. » Tu avais clairement honte de l’avouer en soupirant même d’agacement contre toi-même. « Je me trouve toujours des excuses, une promenade un peu plus longue pour Grunt, parfois je pars même plus tard du travail pour me donner raison. Tu penses vraiment qu’un coach pourra m’aider ? Parfois je me dis que je devrais juste arrêter mon abonnement. »

Observant les verres vides et le plateau d’apéritifs vidés par des mains probablement affamées entre deux danses tu montres le comptoir d’un signe de la tête.

« Tu veux boire quelque chose ? Ou manger ? C’est moi qui offre. »