Naenia rentre la tête dans les épaules dans son bureau. Enfin “Son” Bureau. Elle y met rarement les pieds, préférant le cocon de sa maison. C’est tellement peu son bureau qu’elle n’a pas changé la décoration mise par son père, avant elle. C’est encore ses diplômes aux murs, des coupes remportées à des concours d’architectures et autres décorations de son travail, les coupures de presse . Tout ce qui pouvait flatter son ego à l’époque . Tout ce qui honore maintenant. Naenia sait , que grâce à cet ombre qui la précède , elle possède beaucoup de passe droit, comme celui de choisir l’endroit où elle travaille (chez elle) et de faire une partie des réunions à distance. C’est plus simple, c’est comme si le décès n’avait rien changé . Après tout, c’est toujours un Othniel qui fait les plans et gère les rénovations. C’est qu’un clone, qu’un autre lui. Seul différence, la photo sur le bureau. Ca, Nae n’a pas pu la garder , pas cette photo, l’une des dernières où ils sont tout les trois. Elle. Sa mère. Et Lui. Elle est trop dure à regarder.

Aujourd’hui, elle est là, parce qu’on lui a expressément dit qu’il fallait qu’elle soit là. Pour ne pas fuir “encore” avait bien appuyé le type du marketing. Naenia avait bien pris soin de ne pas croiser son regard furieux lors de la discussion par webcams interposées. Probablement encore une rencontre qu’elle évite, aussi glissante qu’un barloche pour ne surtout pas à avoir à se mettre en avant. Elle ne sait pas trop avec qui elle a rendez vous , on s’est bien gardé de lui dire pour éviter qu’une visite contrôle urgente à l’autre bout d’Atlas ne vienne s’inviter, comme par hasard ce jour là. Liv gémit contre la jambe de son pantalon sombre, la jeune femme lui sourit, s'abaisse pour lui gratter derrière l’oreille. A défaut de lui avoir dit avec qui elle a rendez vous, on lui a dit ce qu’elle devait préparer. Paperasse diverse , documentation sur l’organisation de la sécurité pour se servir d’une arène pour comme lieu d’événement, projets de diverses structures temporaires… Visiblement, on fête quelque chose dans l’entreprise, reste à savoir quoi. C’est peut être pour ça que les filles de l’accueil ont grimacé quand elle a débarqué il y a un heure , toute de noir vétue. Le pantalon de tailleurs , le haut à col roulé , la veste. Seule sa coiffure a échappé à l’austérité , ses cheveux ont et ramassé dans une tresse couronne qui lui entoure le visage et lui dégage. Elle ne se voyait pas arriver habillée autrement de toute façon.

Nouveau regard sur l’horloge. Plus que cinq minutes avant lui ou elle n’entre dans la pièce. Elle soupire, remet de l’ordre sur les coussins des fauteuils disposés près de la baie vitrée, qui servent de petit salon de réunion , comme s’il n’avait pas été droit quelques minutes plutôt. Pour que ce soit le cas, il aurait fallu qu’un fantôme prenne place dans cette maudit pièce. Il ne faut pas trop révé. Le vieux Othniel réincarné en un Ectoplasma ou tout autre pokémon spectre, ce serait bien son pire cauchemar. Il verrait ce qu’elle est devenu et vraiment ça ne lui plairait pas . Deux minutes. Elle appuie sur le bouton de la vieille bouilloire et prépare deux tasses. Peut être que ça aidera, que la réunion ne s’éternisera et qu’elle pourra vite , très vite rentrer chez elle .

Et du coup, quitter cette pièce maudite.

Le rendez vous arrive. Pire même … il s’invite tout seul ?! Naenia reste en retrait, droite. Il parait que les chaglam gonflent pour se donner de la prestance , de l’importance pour tromper l’ennemi sur leur capacité. Elle veut se montrer plus assurée qu’elle ne l’est vraiment , face à celui qui lui semble être un parfaitement inconnu. Paradoxalement, plus il veut se montrer amical et enjoué, charmant dirons nous, plus elle se ferme , oppose une distance entre eux.. Il a entendu du bien d’elle, par qui, quand , dans quel contexte ? Ce n’est surement pas les gens qui travaillent sous ses ordres qui ont pu la recommander d’une manière ou d’une autres… Non. Elle cligne des yeux légérement. La paranoia n’a pas sa place ici . Pas maintenant. Maintenant, c’est juste le travail.. Elle se concentre … grimace. C’est, bon, elle a compris le pourquoi du comment de la stratégie de l’anguille de la personne qui l’a convoqué ici. Si elle avait su le sujet avant la début de cette réunion., elle n’aurait jamais eu lieu. Elle le dit, elle répète, les arènes ne sont pas des lieux anodins. Ils ont une fonction : accueillir les combats et le public qui y participe tout en assurant leur sécurité et le bon déroulé des épreuves. Et c’est là , leur seul et unique role. Ce n’est pas la première fois que quelqu’un tente de transformer … non … Massacrer … et même , le mot n’est pas assez fort, une arène pour la faire devenir autre chose et jusqu’ici elle avait été suffisamment persuasive et intransigeante pour que ce qui n’ait pas trait aux combats pokémons au sens large reste à l’exterieur des arênes. Arceus, une arène, ce n’est pas un Miaouss Burger ou tout autre restaurant de fastfood que l’on peut louer à son anniversaire. Seulement, maintenant qu’elle a repéré le vrai requerant, elle sait qu’il va falloir ruser . Un refus frontal ne sera jamais accepté de toute façon. Inspire, Nae. Expire.

Elle lui designe le fauteuil à l’opposé de Rocabot qui s’est perché sur l’un des accoudoirs, à l’écoute, heureux de voir une nouvelle tête et donc un nouveau potentiel pourvoyeur de papouille.


« Je ne savais pas que la dernière mode pour les anniversaires étaient d’organiser un combat pokémon à mort entre tous les participants. L’heureuse élue est le trophée du coup ? A moins qu’on ne fasse exprès de la laisser gagner, c’est son anniversaire, après tout … si je me souviens du caractère des jeunes filles originaires des colines d’Hestia, elle ne sont pas personne à rester assez devant un combat de démonstration, ce serait une bonne idée pourtant. »

Un grand sourire de façade se peint sur son visage, il a quelque chose de sarcastique.

« Si ça ne concerne aucune de ces trois idées, je ne vois pas pourquoi on ferait appel aux arènes. Elles sont excentrées, certaines loins de tout , hors gradin , elles peuvent être dangereux pour ceux qui ne s’y connaisse pas … remarque, on pourrait y organiser un jeu comme la série à la mode … ma mère regarde ça , elle trouve ça « interessant »… Les jeux de Sepiatroce…De ce qu’elle m’a expliqué , à chaque jeux , les participants et leur pokémons risquent littéralement leur vie pour un prix fantastique. Je me demande ce que ça donnerais appliqué aux enfants de la jeunesse doré. Remarque, il n’y aurait pas grand chose à organiser si on fait ça dans l’arène vol …. Quoi que je n’ai pas encore la rénover, le budget devrait être voté à la fin du mois pour ça … »

Elle pose la tasse devant Alessio et prend place en face de lui, jouant le jeu de l’ignorante trop sérieuse et inconsciente. Première tactique.

Ah mais c’est qu’il est retord, l’animal. Peu importe, Naenia est bien décidé à camper sur ses positions. Une arène n’est pas un parc d’attraction pour gamin à qui on ne refuse aucune caprice. Et puis, si toute cette affaire lui ferait perdre sa place. Un ange passe, un moment de relâchement dans son masque. Elle serait libre , libérée de l’emprise, de l’héritage et de tout ce qui va avec. Elle serait plus libre qu’elle ne l’aurait jamais été… bon peut être persona non grata en architecture … c’est même encore mieux, elle serait « obligée » de changer de carrière… Retour à la réalité. Naenia, ma pauvre fille, tu es complètement folle , à souhaiter la mort de quelqu’un juste par égoïsme. Se reconcentrer, chercher, réfléchir. Redevenir l’ombre du vieux, son clone. Est ce que Monsieur Greene aurait « osé » faire ce genre de demande s’il avait été toujours été de ce monde. Est ce que ce type qui se tient dans son bureau aurait osé ne serait-ce poser un orteil dans le bureau avec ses grand airs si ça avait été le cas? Surement pas. Mais elle n’est pas lui, elle n’est que la copie. Il n’empêche. Elle écoute en silence jusqu’au bout, reprenant un air plus calme, plus posé , impassible.

« Vous pourriez. Mais je pense que vous savez aussi bien que moi que cet homme à une « qualité » assez commune dans ce service . Refiler le « soucis » à quelqu’un d’autre. Je dis commune parce qu’il le donnera à une de ses collègues , qui lui même fera de même et ainsi de suite … pour retourner sur ce bureau avec en addendum un petit post-it qui se résumerait en « débrouillez vous, je ne veux rien savoir. » .»

Elle désigne le meuble en bois massif derrière elle.

« Seulement, ce dossier aurait mis … allez … trois mois à arriver jusqu’à moi ? Moins si monsieur Greene était venu en personne secouer le noadkoko mais on resterait sur l’échelle de la semaine. Notez d’ailleurs que je ne vous ai opposé aucun refus, j’ai juste exposé les faits . Quand à la mort de la dizaine d’enfants susmentionnées, elle aura lieu , peu importe les sécurités mise en place, tout simplement parce que ces enfants, mademoiselle Greene en tête, sont incapable de suivre une consigne. Et ca ne retombera en aucun cas sur moi mais sur la personne qui , armé d’un large sourire courtisant, aura dit oui à monsieur Greene. Raison de plus pour rester dans l’ombre , vous ne trouvez pas ? »

Un silence, un regard vers les diplômes de son père , une phrase criante de vérité .

« Je ne tiens pas particulièrement à mon poste de toute façon, que ce soit financièrement ou moralement. Et mes dents sont bien moins longues que les vôtres . »

Pique acerbe, on ne la refera pas. Elle n’a jamais été dans la séduction de toute façon, c’est bien pour ça que la lumière lui va si mal.

« Cependant , j’ai peut être une solution à vous proposer. Une proposition qui contenterait probablement les deux parties, mais qui nécessiterait une investissement à court terme, peut être deux semaines d’aménagement, trois grand maximum, avec possibilité de réutiliser le dispositif quand la dizaine d’invités de la demoiselle feront exactement la même demande au moment de leur anniversaire et que des parents aux bras tout aussi long viendront avec la même requête. Parce qu’il y en aura , ne vous détrompez pas »

Elle va se servir un thé à son tour, trempe ses lèvres dans le breuvage.


« Mais cela va grandement dépendre de vos capacités de courtisant commercial . De mon côté, je veux bien perdre un mois de mon temps en parallèle des projets en cours pour ces bêtises. »

Il y avait une manière de concevoir un travail. Peut être. Sûrement quand on a le choix du travail, d’ailleurs, quand il nous fait envie et qu’on a pas l’impression d’avoir louper, au mieux , le pan professionnel de sa vie, au pire … bah entièreté justement. Naenia reste souriante , figée, comme une statue de cire … ou un masque. C’est important les masques , en société, ça permet entre autre de survivre sans se faire dévorer tout cru par les gens de la race de ceux d’Alessio. Ceux aux dents longues et à la courbette théâtrale. A l’entendre, elle se trouverait en présence du futur président d’Odyssey. Comme si le vieux Baxter allait un jour laisser sa place et quitter son trône, si ce n’est les deux pieds devant. Elle se doute que monsieur le courtisan ne se contente que des marches de l’escalier qui mène au trône. En attendant, si elle voulait que l’héritage de feu-son-père ne finissent en tas de gravas et briser en milles morceaux le doux coeur de sa mère, il allait fallait la jouer fine pour ménager la chèvre et le chou. Elle remontre cependant un dédain parfait quand il lui parle de marquer des points auprès du comité. Le comité se contrefout d’elle, puisse-t-elle sortir la dernière nouveauté architecturale sur du sol en tenant des budgets qu’ils appellent raisonnables , au centime près. Elle serait sur le point d’inventer la pokeball dans une monde qui ne connaîtrait pas son existence que ça serait bien pareil.


« En tant qu’entreprise hégémonique, Odyssey possède la majorité du parc immobilier industriel . Ce qui représente … »

Et là, elle se trouve à lui énoncer avec exactitude ledit parc , dans une liste bien ordonnée et avec les chiffres exacts, jusqu’à la moindre petite boutique. Il lui a demandé ce qu’elle avait en tête, après tout, pas d’être concise.

« Parmi le dit-parc immobilier susmentionné, que je ne vais pas vous faire l’affront de relister, il se trouve qu’il y a une dizaine entrepôts inutilisés. En général , ils servent de réserves mais la politique de l’entreprise allant vers le flux tendu , ils ne servent , ces temps-ci, pas à grand chose. En bonne architecte par biberonage , le vide , quand ce n’est pas du plan libre, je n’aime pas trop. C’est des dizaines et des dizaines d’espaces en attente d’être réaménager. Pendant ce temps, ça sert de cachettes aux pokémons spectres. Enfin. Ca servait de cachette aux pokémons spectres. Maintenant, ça ne sert même plus à ça . »

Elle laisse poser un peu de temps ces paroles, va se refaire du thé parce qu’elle vient de finir sa tasse .


« Récupérez moi un de ces entrepôts, donnez moi le budget que je demande et je vous ponds une arène de démonstration réutilisable à volo pour le département événementiel pour ses communications envers le public jeune , avec sécurité enfant, option gosse de riche qui écoute rien et qui pose ses doigts partout à l’inconscience de sa propre survie incluse. »

Nouveau silence

« Ce qui donne le résultat suivant. Vous avez la paternité d’une excellente idée de communication auprès des plus jeunes, fifille Greene a un cadeau d’anniversaire dont elle peut se vanter auprès ses copines parce qu’à moins d’être la fille née de la cuisse de monsieur Baxter, elles n’auront jamais la même et encore moins mieux, le père Greene peut retourner baguenauder avec sa maîtresse l’esprit rassuré, heureux et sans remord et moi, vous me laissez mes vrais arènes tranquilles. »

Naenia grognerait presque quand il fait mention de tests. C’est qu’il la prendrait pour une bleue en plus ? Y’a que les chefs de chantiers dont elle estime qu’ils ont le droit de la prendre pour une novice. C’est presque blessant pour son peu de fierté. C’est pas sa première arène en solo en plus. Et c’est pas comme si elle en faisait pas déjà des tests. Ils respectent une procédure excessivement précise, avec une check list tout bien comme il faut dont on coche rigoureusement les cases, dans l’ordre, s’il vous plait.

« J’ai déjà tout ce qu’il faut pour les tests. Dois-je vous rappeler mon « vrai » métier de base ? On faisait déjà très bien sans, je ne vois pas pourquoi on aurait brusquement besoin d’arène de test . »

D’autant que ce serait remettre en cause et en questions les procédures de feu son père et ça, c’est hors de question. Elle ne sentirait que trop bien l’ombre des diplômes le lui reprocher en se demandant qui elle était, elle, pour remettre en cause une procédure qui fonctionne.


« A votre place, j’en douterai moins. J’ai pleine confiance en le service marketing pour nous monétiser tout ça et en mademoiselle Greene pour se la jouer influenceuse de luxe sur les réseaux sociaux. A votre place, je m’attendrais plus à un pic de demande après que les vidéos de l’événement ait atterri en ligne. D’ailleurs, je glisserai au chef de la sécurité de renforcer la surveillance sur les arènes pendant un mois ou deux le temps de prévenir des intrusions opportunes et des accidents malvenus pour l’image de l’entreprise. »

Même si elle trouve toujours excellente l’idée d’organiser des jeux de Sepiatroce avec les innoportuns. En tout cas, s’il fallait prouver son peu de confiance en l’espère humaine et notamment , l’espèce humaine de moins de vingt et un ans, c’était chose fait

« Trouvez moi mon budget, monsieur di Angelo. Et vous aurez vos bons points et votre projet à présenter pour les prochaines réunions du conseil d’administration. »

Naenia pouffe tout le dédain qu’il lui reste pour cet homme qui se tient devant elle à la mention du fait que personne ne s’introduit dans les arènes. Ce n’est pas tout à faire vrai. Personne n’arrive , et la nuance est importante, à s’introduire dans les arènes. En même temps, il faut bien justifier le salaire des agents de sécurité et les systèmes de sécurités hors de prix qu’il a fallu installer au fil du temps et de l’évolution des technologie Certes, les installer au milieu de nulle part aide aussi à décourager les moins tête brûlés mais il existe toujours des fous en ce bas monde. Ou des idiots. Ou les deux.

« J’ai autant confiance en le service marketing qu’en mon dentiste quand ils veut m’arracher les quatre dents de sagesse en jurant que je ne sentirai rien avant, pendant et après. Mon estime pour le service de sécurité est tout autre, heureusement pour eux et pour nous. »

Voilà qui parle de négocier le budget… Attend, sans estimation , comme ça , au pif ? Il a pas dit plus tôt rien y connaitre du tout, aux arènes et aux travaux , le monsieur ? Il compte sortir un chiffre de son chapeau , comme ça .


« Laissez tomber la première proposition . Donnez moi quelques instants. »

Elle se lève, inspecte un instant une grande rangée de classeur, consulte les côtes, fouilles, inspecte, sort finalement un classeur de couleur violette, feuillette les intercalaires avant d’ouvrir les anneaux pour en sortir une pochette en plastique opaque et épaisse. Elle range le classeur , revient vers lui et lui tend .

« Ca, c’est le cahier des charges technique chiffrés de la construction de l’arène fée. Le budget a été dépassé d’à peu près un tier mais c’est normal. Vous prenez la somme prévue à la fin de ce document , vous me la divisez par deux , c’est la somme minimale dont j’ai besoin, en prenant en compte la hausse des prix des matériaux et le fait qu’on parte d’une structure existante. Si vous voulez mieux, obtenez moi deux tiers , ça permettra de voir large »

Et accessoirement d’augmenter les ouvriers qui vont bien rigoler en voyant la tête du projet. Au moins, elle pourra partager son dépitement avec des gens qui s’y connaissent.

« Mon dossier est confidentiel, accessoirement. Mais il vous donnera des arguments pour la partie technique. Il ne sort donc pas de ce bureau. Prenez les notes dont vous avez besoin et disparaissez. C’est tout ce que je vous demande »