Un rattata d’égout… je peux difficilement la contredire. Avec mon pelache shampoigné au pétrole et la lividité d’mon visage. Je suis un d’ces animaux nocturnes, trainant dans les caniveaux. Le reliquat d’une existence souterraine. Pourtant, ce n’sont pas les profondeurs qui m’ont façonné. La glaise du golem que j’suis, ce sont les hauteurs. C’est la verticalité qui m’a bousillé. Je suis un rattata des tours. Le regard trop souvent levé vers les astres, et leurs silences. Vers l’horizon bancale et inversé d’cette société. Je suis un infime dans une infinité, un infirme dans la civilité. Une création ratée, un avatar malformé. Et il y a des carreaux d’arbalètes dans leurs rétines. Des trucs qui m’transpercent la chair. Quelque chose ressemblant à d’la haine, s’incarnant dans leurs soliloques. Des monologues acrimonieux. Comme celui d’cette gamine, et j’ai des envies d’lui éclater le nez. Son cartilage décalé, et le sang s’écoulant sur ses lèvres. Mais les seules choses qui s’écoulent, ce sont ses mots. Sur ma carcasse. J’ai de la résignation, ou du stoïcisme, dans les artères, parfois. Ou bien est-ce parce que je sais qu’elle a raison. Je suis ridicule. Je suis, un rattata d’égout et je le resterai toute ma misérable vie. Et je ferai mieux de retourner m’droguer, puisque c’est la seule des choses que je sais faire sans tout foutre en l’air. Mon regard, sa lueur, elle change. Je n’dis rien. Un rattata d’égout. C’est le rôle qu’on m’a assigné. Et c’est peut-être absurde, mais je creuserai cette absurdité. Si je suis déterminé, je jouerais mon rôle, jusqu’à son paroxysme.
Le pokégacha, tout ce qui le retenait encore, a fini par céder. Et le voilà désormais sur un transpalette que l’mec à lunette a dégoté sur un chantier. Je sais pas ce qu’on ferait de c’transpalette après, mais qu’importe. Je pose pas d’questions, sous peine de relancer de nouveaux débats interminables. Et je le pousse, emportant le pokégacha, en suivant la barmaid. Combien de minutes depuis que j’ai éclaté le générateur de ma semelle ? Et combien d’installations électriques dépendaient de ce générateur ? Est-ce que les flics se ramèneront à temps pour nous tomber dessus ? C’est trop tard pour cogiter, Micha. Maudit Mirattata. Si tu t’lances dans un truc, va jusqu’au bout. Sinon, c’est pas la peine de l’faire. Si tu t’lances dans un truc, va jusqu’au bout. Et ça peut impliquer d’perdre des proches, ou ton taff ou ta tête. Alors pousse encore, un peu plus vite, un peu plus fort, ce transpalette, avec Toxine sur tes talons. Et s’ils débarquent, tu t’posera pas en grand martyr. Mais tu posera pas l’genoux à terre non plus. Tu continueras de défier l’ordre établi, quoiqu’il en coûte. Comme tu l’as toujours fait.
« C’est quoi la suite de ton plan foireux, Elizabeth ? »- Résumé:
Micha encaisse les critiques de Meryl, et continue de s'acharner sur le pokégacha jusqu'à ce que ce dernier lâche. Une fois la machine sur le transpalette ramené par William, il commence à quitter les lieux en emportant le gacha, et demande à Elizabeth quelle est la suite du plan.