Ma famille d'Atlas préférée !
Ah ça, il savait choisir ses compliments, Alessio ! Difficile de dire s'il le pense réellement ou si ce n'est qu'une habileté de sa langue d'argent; mais dans tous les cas Lupita s'en fiche et décide qu'il est sincère. Son sourire ne la quitte pas tandis qu'il la rassure - car chacun de ses mots sonne comme une assurance, en particulier quand il évoque Baxter. S'il ne compte les solliciter que lorsqu'il aura pris sa place (ou accéléré sa chute), c'est qu'il leur promet un futur dans son empire à lui. Il n'y avait plus qu'à espérer que son ambition tienne bon et qu'il parvienne à ses fins; espérer et, bien sûr, y mettre son grain de sel si possible…
En tout cas, malgré ce sombre sujet, l'ambiance est plutôt tranquille à la table. Et comment en serait-il autrement, alors qu'ils sont baignés de soleil et d'odeurs riches et sucrées ? Tout ici appelle à une pause bien méritée; un souffle calme dans la tempête de leurs vies. Lupita pourrait presque s'y faire et pourtant, elle n'a jamais commis cette erreur : elle est trop reconnaissante envers tout ce qu'elle a pour le prendre pour acquis.
Au loin, des notes de musique s'élèvent - quelques employés ont sorti les guitares, on dirait. Inconsciemment, Lupita commence à bouger au rythme des accords; c'est subtil mais c'est bien là - ses doigts qui battent la mesure sur la table, sa tête qui oscille de gauche à droite, ses épaules et ses hanches qui commencent à se mouvoir. C'est dans son sang et c'est comme ça : un Rojas, ça ne sait pas rester insensible à un rythme qui l'appelle.
— Et moi qui étais sûre que tu allais regretter ma grand-mère ! lui lance-t-elle sur un ton joueur. La musique la met de bonne humeur, c'est plus fort qu'elle. Oh bien sûr, Alessio n'avait aucune raison de ne pas aimer mamie Rojas; avec lui, elle était aussi souriante et hospitalière que sa petite-fille. Mais elle avait ce côté un peu trop ferme et décidé des anciens qui ne plaisait pas à tout le monde.
— Je travaille sur un nouveau type de café en ce moment. Enfin, un nouveau genre de torréfaction, plutôt. Pas de message codé cette fois, on parle bien de café. Elle a fermé les yeux, Lupita, un peu trop en confiance sans doute; pour mieux écouter les accords de guitare. Je te ferai goûter. Petit sourire dans sa direction même si elle ne le voit pas. C'est étrange, cette complicité qu'elle croit partager avec lui - peut-être parce qu'il est le seul de sa génération qu'elle connaisse et qui ait à peu près les mêmes ambitions qu'elle, et la même détermination de les accomplir, quitte à tremper dans des choses moins correctes...