Ça avait gueulé à la plantation. Puis, ça avait fait la gueule pendant des semaines, mais pour une fois, Lupita avait tenu bon et avait obtenu gain de cause - sa grand-mère avait dû l'admettre, Lupita n'était plus une enfant et savait tenir tête à autrui, même à elle. Une qualité indispensable si elle souhaitait prendre la tête de l'affaire familiale un jour et, bien que grand-mère Rojas ne l'admît pas tout haut, elle était secrètement fière (et même rassurée) de voir sa petite-fille aussi sûre d'elle et de ses idées, bien que divergentes des siennes.
Il avait fallu faire des pieds et des mains pour faire admettre le Solaroc au sein de la plantation et, seule contre tous, la torréfactrice avait tenu - c'était son atelier et son projet, ils devaient la laisser faire et ne la juger que sur ses résultats. Alors, on avait passé un deal : Lupita pouvait garder son Pokémon et le faire travailler, à condition que son idée révolutionne réellement quelque chose chez les Rojas. S'il s'avérait que le Pokémon ne servait à rien, elle devrait le revendre à autrui. Alors, Lupita avait travaillé comme une acharnée - tout d'abord, créer un lien avec Sunny et l'entraîner assez pour qu'il maîtrise sa chaleur et sa lumière; ensuite, tester, tester et encore tester l'effet qu'il avait sur la cuisson des grains de café. Goûter, recommencer, ainsi de suite pendant des jours éreintants d'invention.
Il fallait savoir tout faire pour être entrepreneur indépendant, et savoir innover également. Imaginer, concrétiser, créer ! Et Lupita l'avait fait. Pour la première fois de sa vie, elle avait mené un projet seule de A à Z et avait inventé une nouvelle gamme de produits entièrement signés de sa main.
Ne restait plus qu'à les éprouver à un test final. Il leur fallait un arbitre pour départager Matriarche Rojas et Lupita - quelqu'un de parfaitement étranger à leur conflit interne et de 100% impartial. Et qui, accessoirement, n'allait pas se faire influencer par des finances trop serrées.
Les deux femmes n'avaient pas réfléchi longtemps avant de s'arrêter sur l'un des conservateurs du musée Mnémosyne : M. Landford était déjà un bon client de la firme, toujours intéressé par de nouveaux produits et, surtout, il n'était pas du genre à avoir peur de donner un avis tranchant sur ce qu'il appréciait ou non. L'arbitre qu'il leur fallait.
Alors, trop impatiente pour attendre un moment plus propice, Lupita était partie pour le musée avec sa nouvelle création sous le bras et la PokéBall de Sunnydrop dans une pochette. Les visites impromptues, c'était sa spécialité, et elle n'avait pas peur d'attendre si Sebastian ne pouvait pas la recevoir tout de suite.
C'est un employé de la plantation, au véhicule étonnamment assez coûteux pour passer inaperçu dans le quartier d'Hestia, qui la dépose devant le musée, où elle file immédiatement vers une réceptionniste pour se présenter et demander à voir M. Landford. Pour affaires personnelles, qu'elle précise, histoire qu'il ne s'attende pas à rencontrer un collectionneur venu vendre quelque chose au musée et soit déçu en la voyant. En attendant qu'elle arrive, elle va flâner devant les quelques œuvres exposées dans le lobby - rien de particulièrement intéressant pour elle, ni pour Sunny d'ailleurs, dont elle croit sentir la chaleur en provenance de sa pochette. Elle ne savait pas si c'était possible mais, dans le doute, elle tapote le cuir doré d'une main, promettant silencieusement qu'ils iraient voir la section astronomie juste après leur rendez-vous.