C'était un matin vers dix heures. Le poète avait sa trousse à outils et à défaut de resserrer les vis d'une société trop tordue, défaisait le mécanisme coincé d'une machine dans la rue.

June restait sagement à côté tandis qu'il plongeait les mains dans les entrailles de la pondeuse en métal. Il commençait à trouver la solution au problème non sans quelque mal. Concentré, il fourrageait. Implacables, les secondes s'écoulaient. Mais après tant d'années ces gachas ne lui réservaient plus de secrets. Encore quelques minutes et il serait venu à bout de cette panne incongrue.

Le voilà qui referme le panneau, qui entre une pièce et les bandes défilent, coulissent d'un son net et fluide. Encore un travail accompli à la perfection - tout était limpide.

Hernan soupira. Quand son regard se baissa, June n'était plus là. Sa tête se tourna, il balaya l'avenue de ses prunelles. Elle ne devait pas être loin, telle fut sa première pensée. Puis le temps passant et ses pas et ses appels revenant sans réponse, il s'engagea dans une première ruelle.

"June ?"

Mais June ne répondait pas.

À quelques pas de là, elle faisait face à un cas.
Elle penchait sa fausse tête, auscultait du regard un homme aux cheveux noirs. Un autre jonglait mais pas une fois son attention vint s'y asseoir.

Hernan fit un détour, revint sur l'avenue ; là, il l'aperçut.

"June !"

Elle s'approchait de l'homme à l'aura étrange, petit à petit, faux et vrais yeux braqués en direction de son visage dissimulé. Prudente mais sans peur, un peu effrontée.
Elle tourna la tête vers Hernan, s'interrompant un instant dans son auscultation curieuse. Il eut un petit soupir soulagé et arriva sur leur trottoir, à elle, au type et à celui aux mains jongleuses.

Hernan prend June dans ses bras ; il ne sait pas si elle avait causé ou non des problèmes aux deux gars. Elle ne semble pas inquiète outre mesure, et même perchée, continue de scruter d'une même allure. Elle sort une baie Mepo de son déguisement et la grignote tranquillement. Son humain a un regard un peu plus prudent.

"Oui... J'espère qu'elle ne vous a pas causé d'ennuis ?"

Ses cordes vocales sifflent légèrement ; ses sourcils se froncent calmement. Elle lui avait rarement fait le coup de s'éclipser sans prévenir. Était-ce le jonglage du jeune homme qui l'avait attirée sans faillir ? Pourtant ce n'était pas lui qu'elle fixait mais plutôt l'autre... Hernan n'aimait pas ce qu'il dégageait.

Pour l'instant, il se méfiait assez du bâton que tenait le cornu pour rester où il était. Ce n'était pas Hadès mais quand même. Son regard parcourt son visage rose plutôt que blême. Il avait l'air jeune, et c'était vraisemblablement un artiste de rue. Peut-être qu'il ne faisait pas partie de ces gens dont il préférait rester hors du champ de vue.

Les yeux du mécano-poète se transformèrent en soucoupes éberluées. Et un peu inquiètes. Il décida de garder ses distances de l'étrange comparse du jongleur, légèrement pâle. S'ensuivit un silence un peu gêné. Ce n'était pas tous les jours qu'on faisait face à quelqu'un qui disait que notre pokémon avait manqué de se faire dévorer... Le tout avec un bâton enflammé et plusieurs éléments qui pouvaient faire penser que ces deux types venaient carrément de l'enfer... Il avait pu dire ça pour la blague, mais si c'était le cas elle ne faisait pas du tout rire Hernan. Il n'était pas homme à prendre des risques inutiles.

June sentit le malaise de son humain et resta tranquille dans ses bras. De plus, de cette hauteur, elle pouvait mieux scruter celui qui avait voulu la gober... ou qu'importe la méthode employée. Dans ses bras, elle était en sécurité. A priori. La pensée de la mort n'était pas celle qui habitait le plus l'esprit de la Mimiqui à vrai dire... La candeur la battait à la curiosité.

Un nom. Hernan réfléchit, mais pas longtemps.
Damien Chris...Chrisna...
Damien Chrisnatas.
Non. Christanas.
Même son nom sonnait comme celui d'un démon. Mais de ce que voyait Hernan et ce qu'il rattacha à ce qu'il savait sur l'individu, il avait le sentiment qu'il ne s'agissait que de détails d'apparence. Il ne semblait pas malveillant - sinon, il ne se serait pas interposé entre l'étrange type et June pour éviter un accident.

Il avait entendu quelques rumeurs pendant ses heures de service... La plus sonore étant celle de son lancer de Rocabot. Il ne connaissait pas tous les détails car il n'avait pas assisté à tous les matchs à l'écran, mais il savait que l'existence du jeune homme avait fait quelques remous en ville. Hernan se détendit légèrement tout en gardant sa position - et en surveillant son bâton du coin de l'œil. Il tenta l'esquisse d'un sourire un peu timide.

"J'ai entendu parler de vous, oui..."

Il l'observa un instant.

"J'ignorais que vous étiez artiste en plus de dresseur cela dit."

June quitta ses bras pour se poser sur son épaule, fixant toujours l'individu aux cheveux lâches de sous son costume, mais sans s'approcher de lui.

L'homme fait un pas prudent sur le côté quand le jongleur lâche témérairement son bâton. Il allait réagir à sa réponse quand celui-ci brandit soudainement un morceau de papier et une proposition...

"Je... Hernan ?"

, le poète bredouilla machinalement. Il continuait de surveiller le présumé mangeur de Pokémons du coin de son regard cyan.
La cocasserie de la situation lui vint quelques instants après. La confiance du dresseur lui fit esquisser un sourire discret. Il avait déjà une idée pour tourner cette rencontre en une bonne histoire...
Il prendrait son autogra... pétard ?

Hernan le prend par automatisme bien que perplexe dans sa globalité. Il l'observe doucement. Le voici encore une fois hésitant.
Il range le papier recyclé dans la poche de son gilet... Et parla, la curiosité aidant.

"... Je peux vous poser une ou deux questions...?"

June se relâchait petit à petit dans les bras d'Hernan, proche de la sieste dans sa chaleur douillette... gardant néanmoins un œil sur la scène et les trublions.